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28 octobre 1990 7 28 /10 /octobre /1990 15:56

Article paru dans l'édition du 28/10/90 du Monde : 

 

L'initiative de ce concert est née au lendemain de la profanation du cimetière de Carpentras.

La profession de foi de David Abramowitz et Ami Flamer, les organisateurs de ce concert, est on ne peut plus claire. Cinquante-sept artistes venus de tous les horizons (classique, jazz, variétés), parmi lesquels Lucid Beausonge, Angélique Ionatos, Colette Magny, Gérard Caussé, Philippe Bernold, Jill Feldman, Claude Helffer, Esther Lamandier, Joëlle Léandre, Gérard Marais, Dominique Pifarely et Eric Watson se retrouveront donc sur la scène de la Maison de la culture de Bobigny, le 29 octobre, à partir de 20 heures.

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Annonce parue dans l'Humanité du 26/10/1990 :

MUSICIENS CONTRE L’INTOLERANCE, pour réagir urgemment. Tous styles confondus : Beytelman/Caratini/Mosalini, Gérard Marais, Gérard Siracusa, Colette Magny, Angélique Ionatos, Jean-Claude Pennetier, Quatuor Parisii, etc. Le 29 octobre, 20 heures, MC 93 (48-31-11-45).


 

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28 octobre 1990 7 28 /10 /octobre /1990 10:25

Annonce parue dans Le Monde du 28 octobre 1990 :

"L'initiative de ce concert est née au lendemain de la profanation du cimetière de Carpentras. "

La profession de foi de David Abramowitz et Ami Flamer, les organisateurs de ce concert, est on ne peut plus claire. Cinquante-sept artistes venus de tous les horizons (classique, jazz, variétés), parmi lesquels Lucid Beausonge, Angélique Ionatos, Colette Magny, Gérard Caussé, Philippe Bernold, Jill Feldman, Claude Helffer, Esther Lamandier, Joëlle Léandre, Gérard Marais, Dominique Pifarely et Eric Watson se retrouveront donc sur la scène de la Maison de la culture de Bobigny, le 29 octobre, à partir de 20 heures.

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1 juin 1990 5 01 /06 /juin /1990 12:18
© Francis Vernhet
© Francis Vernhet

Critique parue dans La Revue du Spectacle de mai-juin 1990 :

"L'été 1969, sous le pont du Gard, je rencontrai un éleveur de pintades, peu ordinaire. Il vivait en telle harmonie avec cet animal qu'il venait de lui consacrer toute une thèse. Il m'en parla avec une passion telle que je le quittai la tête pleine de plumes. Cette messagère, témoin de tant d'époques troublées, son destin ballotté au gré des errances humaines, son désir persistant de communiquer malgré tout avec l'homme, son caractère irréductible, sa fragilité et sa revendication farouche à être libre m'interpellaient au plus profond.
Nous faisions le même voyage; notre rencontre était donc inéluctable.
Je serai son chant, elle sera mes cris. Je lui prêterai mes mots, elle me donnera son humour.
Je lui livrerai mes lectures, elle me contera les terres que je n'ai pas parcourues.
Ensemble, nous nous alarmerons sur le devenir d'une planète, joué d'avance. Je suis plus que jamais pintade indomest
icable"

Tel est l'origine du nouveau spectacle de Colette Magny, l'une de nos plus belles voix de blues qui depuis le 14 juillet 1962 poursuit une carrière sans concession même si, entre 1981 et 1983, la télé essayera de l'apprivoiser. Elle n'est pas dupe, elle est plus que jamais indomesticable et c'est tant mieux.
Histoires de pintades donc sur fond de jazz de haut vol. Des textes remarquables où les pintades sont un prétexte pour conter l'histoire de l'Exil, de l'exploitation, des ateliers clandestins, des paysans mexicains et brésiliens ("Caqueta Caqueta"), des "Fils de Bahia, de Harlem ou de Cuba", des multinationales qui déboisent l'Amazonie ou l'Afrique ("Les Multinationales déboisent") ou tout simplement des histoires d'amour.
Des compositions musicales superbes qui semblent parfaitement adaptées à la démarche de l'animal. A l'heure où Nougaro quitte le monde du jazz pur, Magny s'impose comme la plus grande chanteuse de jazz et de blues actuelle. Une Magny au summun de son art, toute en colère, toute en révolte, toute en tendresse aussi. Assise à une table, elle est là, emplissant l'espace de son immobilité, nous contant sa passion, laissant sa voix se guider sur des phrases jazzy ou s'envoler sur des compositions très contemporaines voire de musique expérimentale.
Pour Colette Magny, la rencontre avec les pintades est symbolique. Car symbolique est leur origine africaine : tribu, exil. La chanteuse est blues, le blues est noir, les pintades sont africaines...
Ce superbe spectacle n'oublie pas l'humour et c'est avec un œil malicieux, que Colette Magny finit en nous donnant les milles et une façons d'accommoder, de manière culinaire, la pintade ("Chanson Gastronomique").
Colette Magny réussit avec ce nouveau spectacle une vraie performance qui lui a demandé beaucoup d'effort. En effet, pour se plier aux exigences de l'écriture musicale (musique de Michel Precastelli et Magny), elle n'a pas hésité à reprendre des cours de chants. Le compact disc est d'ailleurs à ce niveau là étonnant de qualité. On y retrouve, entre autres, Michel Precastelli au piano, Aldo Romano à la batterie, Hélène Labarrière à la contrebasse, Jean Paul Batailley aux percussions, César Stroscio au bandonéon et Richard Foy aux saxophones.
Si vous n'avez pas l'occasion de voir le spectacle, rabattez-vous sur le compact. On aime ou on n'aime pas la voix de Magny mais on ne peut pas y rester indifférent. A essayer, ça réveille et vous sort de l'indifférence générale.
G. Chauveau
Compact Disc Scalen'Disc CMPO1


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1 juin 1990 5 01 /06 /juin /1990 11:51
Critique de disque publiée dans Télérama :

Publiées naguère en ordre dispersé, voici réunies de petites merveilles, aussi finement accompagnées qu'interprétées. Berceuses françaises par Colette Magny, qui campe notamment un effrayant Grand Lustucru signé par Botrel en 1990 ; berceuses yiddish dans la voix de Talila, russes (limpide Marina Vlady), celtes (lumineuse Brenda Wooton), noires (emballante Naomi Moody), créoles (magistrale Toto Bissainthe)... Entre les plages, on écoute des boîtes à musique égrener d'autres douceurs, on regarde le joli livret illustré par Tita Mercié. Bonsoir tout le monde !
1 CD Le Chant du Monde/Harmonia Mundi CML500312 - 55 mn



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1 avril 1990 7 01 /04 /avril /1990 09:55

Article paru dans Le Mur n°49 d'avril 1990 :

Une chanteuse de blues... Une femme avec un coeur immense, volontaire qui tente de secouer un monde endormi... "Cette époque molle" comme elle la qualifie, une grande dame qui depuis des années dénonce l'injustice, la cruauté, les excès de ce siècle... Colette Magny rêve d'une grande révolution, de changer le monde et de la reconstruire d'une façon responsable... Kevork, son dernier album raconte l'histoire d'une pintade, une drôle de bête fragile, exilée, indomesticable, tout comme les esclaves noirs d'Amérique...

Le Mur : Qu'est ce qui vous a donné l'envie et la force de vous battre pour les Droits de l'Homme dans le monde ?

Colette MAGNY : Je n'ai pas la prétention de me «battre", si j'en avais le courage, ce serait les armes à la main. On en meurt. L'indignation au savoir des horreurs quotidiennes (rapports d'Amnesty International, pour le moins et Je lis leur chronique tous les mois : ça empêche vraiment de vivre béatement) dans ce monde, m'oblige à m'inspirer de certains faits indéniables (les informations parues dans le journal Le Monde sont vérifiées trois fois et j'ai très rarement lu un démenti, quel qu'il soit) dans mes chansons. Un dit artiste est censé témoigner de son temps, n'est-ce pas ? Par ailleurs, des rencontres, le -dire" de tout un chacun, toute une chacune, dans les usines, la rue et autres lieux, m'ont parfois tellement bouleversée que texte et musique me sont venus dans le coeur et la tête. Bref, dans tout ce monde souffrant, où sont les Droits de l'Homme?


Le Mur : Qu'est-ce qui vous révolte  le plus dans le monde d'aujourd'hui ?

Colette MAGNY : La médiocrité. 


Le Mur : Que pensez-vous de la peine mort ?

Colette MAGNY : Non-exemplaire. A abolir PARTOUT dans le monde.


Le Mur : Les artistes ont-ils un pouvoir important pour aider à la défense des Droits de l'Homme ?

Colette MAGNY : Une participation. Oui, je le suppose, mais bien faible pouvoir. DESCARTES écrivait, je crois m'en souvenir, que ce ne sont ni les savants, ni les philosophes qui font avancer le monde, mais... les Poètes. C'était peut-être vrai à son époque, mais de nos jours, hélas ! ça me paraît peu vraisemblable.


Le Mur : Avez-vous déjà été censurée ?

Colette MAGNY : De nombreuses fois. Mes disques ont été rayés au stylet à la Discothèque de la radio. J'en ai fait état les rares fois où j'ai eu l'antenne "en direct", personne ne m'a jamais accusé de mensonge. Par ailleurs, "ils" ont fait des montages, parvenant ainsi à me taire dire le contraire de ce que j'avais dit. Pour la manifestation "gauchiste" de 1973, je crois, ils se sont donnés la peine de couper une minute de mon passage, sur un camion, entre les travailleurs de Joint Français et un groupe rock, une minute était consacrée, une minute environ pour chaque groupe. Censure totale au "Grand Echiquier" de Monsieur CHANCEL. Longue histoire. Etc... Etc...


Le Mur : La torture existe toujours dans beaucoup de pays en 1990. Que peut-on faire pour arrêter cette horreur ?

Colette MAGNY : Pour le moins, adhérer à la Ligue des Droits de l'Homme et à Amnesty International : lettres envoyées par milliers aux dirigeants/dictateurs divers.


Le Mur : 1990, l'année de l'Enfant. Qu'en pensez-vous ?

Colette MAGNY : Je dois vous dire que tout ce qui est "à la mode" me fait en général horreur : 90 est l'année de l'entant et puis il y a eux et il y aura l'année de ceci, l'année de celà, et la commémoration de ceci et la commémoration de celà. Y'en a archimarre. Et je suis effarée qu'il en soit de même pour les Droits de l'Homme. Les modes politiques me sont particulièrement odieuses : graves incidents en Chine, la Une de tous les journaux, et puis quelques mois plus tard, plus rien, la Chine n'existe plus, semble-t-il... Par exemple, il y a déjà plusieurs années, j'ai entendu Patrick Poivre d'Arvor dire qu'un journaliste devait choisir 10 informations à transmettre sur les 100 qui leur parvenaient!!! alors l'information...


Le Mur : Qu'est-ce qui vous ferait le plus plaisir dans l'avenir de notre monde?

Colette MAGNY : Une belle REVOLUTION, si possible non sanglante, requérant des citoyennes et citoyens conscients, donc au minimum bien informés et formés. Alors ... bien difficile.


Interview de Colette MAGNY après son concert de Bourges (Maison de la Culture et correspondance entre l'artiste et Le Mur) - Séverine LAURENT, Sylvain DOBINET

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Cet article est issu d'un journal lycéen : Le Mur (http://www.le-mur.fr/).

Une publication intéressante. Une démarche pédagogique passionnante...

Merci à Jean-Pierre Marcadier, enseignant, coordinateur du projet, qui m'a fait connaître cette publication et ce numéro plus particulièrement.

 

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23 mars 1990 5 23 /03 /mars /1990 18:32
Humanité Dimanche n°1 - 23/03/1990 :

Question de survie, de liberté, de morale aussi finalement, Colette Magny a toujours volé dans les plumes d'une société où le fric tient la place du coeur, à quelques entimètres de la poche revolver. Après le malentendu "Melecoton" en 1963, l'ex-secrétaire bilingue cesse tout net l'image pour emprunter une voie singulière de recherche, d'exploration textuelle, vocale et musicale. Elle chante le Vietnam, la répression, la vie quotidienne des mineurs du Nord... Sans concession. Deux constantes, au fil des ans : une passion intacte, une voix fabuleuse de chair et d'âme, porteuse des révoltes et des espoirs entremêlés des femmes et des hommes de ce temps.

"Kevork ou le délit d'errance", imaginé dès 1969, créé il y a quelques mois au théâtre de Sartrouville, part de la révélation (via un éleveur) d'une insoumise nommée Pintade : "Cette messagère, témoin de tant d'époques troublées, son destin balloté au gré des errances humaines, son désir persistant de communiquer malgré tout avec l'homme, son caractère irréductible, sa fragilité et sa revendication farouche à être libre... Je serai son chant, elle sera mes cris. Je lui prêterai mes mots, elle me donnera son humour..." Du 27 au 31 mars (20 heures) au Café de la danse, Paris 11e. (Tél : 48.05.57.22.)
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1 janvier 1990 1 01 /01 /janvier /1990 17:36

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30 novembre 1989 4 30 /11 /novembre /1989 15:09

Extrait d'un témoignage de Jean Moreau dans le Nouvel Observateur, n°1308 (p. 91), du 30/11/1989 :

14 FÉVEHER 1972 : Jean-Paul Sartre à Billancourt
Trois ouvriers de la Gauche prolétarienne avaient été licenciés. Pour tenter de mobiliser les ouvriers, Jean-Paul Sartre décide de faire un coup : entrer clandestinement dans la « forteresse, ouvrière » et s'adresser aux travailleurs. Le 14 février, nous nous retrouvons, quatre journalistes, avec Sartre, Colette Magny et quelques militants. Tassés dans une Estafette bleue, nous entrons par la porte Nationale. Au premier étage commence la distribution de tracts. Sartre prend la parole : « Cette action est le premier pas du contrôle de Renault par les travailleurs et la population de Boulogne... »
Tout de suite les gardiens -la volante en bleu- et la maîtrise en blouse blanche commencent à encercler les manifestants. Nous sommes refoulés puis bousculés, jetés dans l'escalier de fer. Sartre était déjà venu place Nationale en 1970, juché sur un tonneau. Sans succès. La CGT et le PC tenaient bien leurs troupes. « Il ne faut pas désespérer Billancourt » : le mot de Sartre, dans « Nekrassov » -il le met dans la bouche d'un petit apparatchik-, a toujours été pris à contresens. Le PC voulait cacher les réalités. Sartre, lui, rêvait de conscientiser les travailleurs et ça, on ne le lui pardonnait pas.

 

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21 octobre 1989 6 21 /10 /octobre /1989 14:15

Annonce de Philippe Boucher paru dans Le Monde du 21/10/1989 :

 

SPÉCIAL-COPAINS. 

Et même, spécialissime-copains, ou spécial-copinissimes. Colette Magny est de retour sur scène. Sous le titre Kevork ou le Délit d'errance, elle donnera vingt-huit nouvelles chansons. Elle est l'auteur des textes et la musique a été composée par Michel Précastelli et elle-même. Cinq représentations sont prévues, à 21 heures les 21, 24, 27 et 28 octobre, à 16 heures le 22, qui est un dimanche. Elles ont lieu à l'Espace Gérard-Philipe, rue Louise-Michel à Sartrouville. C'est à cinq (vraies) minutes de la gare du RER. En voiture, il faut rejoindre la RN 308 en direction de Maisons-Laffitte. Après l'entrée dans Sartrouville, il faut tourner à gauche au premier feu de signalisation, puis à droite au troisième. Avec de telles explications, il n'y a aucune excuse à ne pas aller entendre, aimer et soutenir une incomparable dame qui chante.

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2 octobre 1989 1 02 /10 /octobre /1989 08:19

 

Article paru dans Lesbia Magazine n°76, d'octobre 1989 :


Enfin, revoici Colette Magny, avec un tour de chant et un disque! Dans l'entretien qu'elle a accordé à Lesbia, elle ne cache ni sa peur, ni ses difficultés; elle ne parle pas de son courage. Colette Magny, chez elle, est pareille à l'artiste que nous aimons sur scène : gouailleuse et cultivée, intransigeante et chaleureuse. Merci, Colette, de nous avoir si gentiment reçues. Merci de tout votre travail.

Lesbia : Quel est le titre de votre spectacle?

Colette Magny : Kevork ou le délit d'errance. C'est un tour de chant sur un seul thème : regard aigu d'une gallinacée sur le monde actuel.

Lesbia : Mais pourquoi une pintade?

C.M. : J'aurais pu m'intéresser à n'importe quoi : une pierre, un petit caillou... En 69, j'ai rencontré un éleveur de pintades. Il m'en parlait avec une telle passion que ça m'a ravagé l'imagination. C'est un paysan et il a écrit une thèse sur les pintades : les pintades et les hommes. Il a écrit dans tous les musées du monde; il possédait des reproductions magnifiques de pintades à toutes les époques, dans toutes les situations. Ça m'a fasciné, son affaire. Je me suis dit : «Je vais en faire un opéra. » Au bout de vingt ans, je me suis trouvée avec une montagne de documents. J'ai mis deux ans à les décrypter. Maintenant, ce n'est plus un opéra. J'ai dû tailler partout dans mon texte.
En fait, ce qui m'a intéressée, c'est que c'est une bestiole indomesticable, très sauvage. Au bout d'un certain temps, si on n'y fait pas attention, elles se barrent. Comme le disait Reine, ma voisine paysanne qui avait vingt pintades : « Elles ne pensent qu'à une chose, Colette, la liberté.» Elles sont un peu féroces, ces bêtes.

Lesbia : Kevork devait donc être un opéra ?

C.M. : Pendant trois ans, j'ai démarché pour en faire un opéra. D'opéra, c'est passé à mini-opéra, de mini-opéra à opérinette, puis c'est devenu un tour de chant. Il faut un argent fou pour monter quelque chose. Pour mon opéra, il fallait au moins trois cent millions anciens, avec quatre musiciens, deux choristes, deux danseurs, deux comédiens, un metteur en scène et basta ! De toute façon, cette pintade n'intéressait personne. Ce que j'ai trouvé inadmissible de la part des cents personnes que j'ai démarchées, de ces cultureux, c'est la non-réponse. Je suis reconnaissante aux trois personnes qui m'ont répondu en me disant pourquoi elles refusaient. La non-réponse, c'est l'horreur. Si j'en parle, c'est que ça ne me concerne pas moi seulement. Je plains de tout mon cœur les jeunes auteurs et autrices dramatiques. Comment vont-ils se faire entendre ? Ce sera un miracle s'ils y arrivent. Moi, au bout de trois ans, je n'ai pas réussi.

Lesbia : Vous avez dû produire vous-même votre disque ?

C.M. : Personne n'a voulu de ma pintade. J'ai donc procédé par souscription. Actuellement, je n'ai qu'une valeur marchande : chanteuse de jazz en anglais et en musique acoustique, à la grande rigueur. Or, justement, moi, je veux chanter en français. J'ai commencé en anglais, il y a vingt-six ans. On m'a dit que ça n'intéressait personne. Maintenant on me dit : « Vous n'avez qu'une valeur marchande : chanter en anglais. » J'aime cela, remarquez, mais ce n'est pas mon propos. C'est ma pintade que je voulais. Je suis heureuse qu'elle soit enfin un objet concret.

Lesbia : Votre disque, Kevork, contient donc les textes des chansons de l'opéra que vous aviez imaginé. Mais dans cet opéra, il y aurait eu des actes, des scènes, des tableaux ?

C.M. : Je ne sais pas. Je devais le faire avec Anne-Marie Fijal. On aurait cherché une forme adaptée au sujet. Le temps passant, Anne-Marie a écrit un oratorio; il faut qu'elle s'en occupe. Ça va être encore plus difficile pour elle que pour moi parce qu'elle écrit de la musique contemporaine. Pendant douze ans, on a travaillé ensemble. Alors, puisque je ne peux plus avoir Anne-Marie, ce sera le jazz !

Lesbia : Comment avez-vous conçu votre spectacle de Sartrouville?

C.M. : C'est un parti pris de musique tendre et lyrique, un parti pris artistique. Il faut bien changer de forme. J'étais libre ; j'ai décidé de me brimer. J'apprends la musique. Quel malheur! Quatre heures de solfège par jour ! En fait, je n'aime pas la musique; ce sont les idées qui m'intéressent. Pour ce spectacle, j'ai pensé à Michel Précastelli, un copain de ma copine Francesca Solleville, une des rares chanteuses que j'aime. C'est plus qu'un arrangeur; il a écrit des lignes mélodiques pour des instruments qui sont ce qu'on appelle la rythmique. Il a respecté toutes mes chansons, ce qui est fort aimable, mais c'est une grande difficulté pour moi de les refaire, de les chanter différemment, cadrées autrement que je ne les ai écrites. Depuis vingt-six ans, je n'ai jamais chanté comme cela. Là, j'en ai envie mais j'ai peur. C'est pour cela que je fais des cauchemars abominables. En plus, ce spectacle vient au moment où j'ai subi une opération au dos et je ne peux pas me tenir debout; je n'ai ni guitare, ni piano ; je n'ai aucun prétexte. Je ne sais pas comment je vais faire...

Lesbia : Vous êtes admirée comme chanteuse de jazz et de blues, mais aussi pour manifester en chansons depuis des années, votre soutien à toutes les luttes de libération, votre attachement à la notion de dignité humaine. Mais depuis l'arrivée de la gauche au pouvoir, gauche qui dit faire des Droits de l'Homme son combat, on ne vous entend pas plus, ni à la radio, ni à la télé.

C.M. : Cela m'a fait chagrin. C'est vrai ; c'est pareil qu'avant. Il n'y a pas eu de changement en ce qui concerne la musique, le théâtre ou la danse. Ce sont les mêmes qui sont en place. Je vais être amenée à refuser les télévisions qu'on me propose ; il n'y en a pas tellement. Les émissions à jeux, c'est exclu. Les gens qui aiment ce que je fais seraient sidérés de me voir là, s'ils me voyaient par hasard. Les émissions « grand public » ? Si j'y passais, il y aurait peut-être trois personnes qui diraient : «Tiens, elle a une belle voix, cette femme-là; on va aller l'écouter, on va acheter son disque. » Tous les autres qui m'aiment bien diraient «Qu'est-ce qu'elle fout-là ? Elle nous trahit. »
Maintenant, j'apprends qu'à la télé, les musiciens ne sont pas payés. Syndicalement, moi je ne veux pas. Il y a des gens qui sont morts sur les barricades pour obtenir des droits. Je ne vais pas aller... Chanteurs pas payés, musiciens pas payés : ça n'a pas changé depuis vingt-six ans. Les artistes se laissent faire, faire le play-back, faire avec les bandes orchestre... Ça supprime du travail aux musiciennes, musiciens, à tout le monde. On n'est pas nombreux à refuser. Quelqu'un de Libération a dit que j'étais la vieille gauche. Eh bien, oui, je suis la vieille gauche : je ne cèderai pas. Ça ne sert pas à grand chose, hélas. Mais je m'en fous ; ça sert aux gens qui ont confiance en moi et qui continuent à avoir confiance. C'est mon honneur.

Lesbia: Vous chantez dans Kevork une chanson sur Rosa Luxembourg.

C.M. : Dans cette chanson, il y a une phrase qui n'est pas de moi, mais de Françoise Giroud. De toute façon, je pille partout. Elle dit : «Si on confiait de hautes responsabilités à des femmes modestes... » Peut-être que si des femmes étaient en majorité dans les gouvernements, ça changerait quelque chose. Ça changerait forcément, mais cela, je ne le verrai pas. J'ai dû couper mon opéra : il y avait toute une partie sur l'Islande, où le Parti des Femmes, unique au monde, a doublé sa re-présentation, sur le chef d’État, qui est une femme... Confier des responsabilités à des femmes modestes : c'est là où je suis d'accord avec F. Giroud. Pourquoi faut-il que toutes les femmes soient toujours exceptionnelles? Pourquoi seraient-elles toutes des héroïnes? C'est dur quand même, alors qu'il y a toute sorte de grands couillons...

Lesbia: Avec le recul, pensez-vous que les choses ont changé pour les femmes?

C.M. : Oui, quand même. Je le vois, par exemple, par rapport aux dames chez le coiffeur. J'entends comment elles parlent de leurs maris ou de leurs messieurs, elles disent des trucs, elles ne se laissent plus faire... C'est quand même dû à ce grand mouvement. Mais la libération sexuelle...

Lesbia: Dans un de vos disques Ras la Trompe, vous citez un poème de Deng Xiao Ping.

C.M. : J'aurais mieux fait de me taire. J'étais désespérée. Je me suis trompée tout le temps. On s'est tous trompé. Signoret aussi s'est gourée et elle était plus intelligente que moi, plus rancardée. Politiquement, je suis au ras des pâquerettes. On se demande que faire, quoi faire... Les chefs d’États sont tous responsables et nous, nous sommes responsables de notre couillonnerie à les laisser faire. Je dis quelques trucs dans mes chansons mais ce n'est rien à côté de ce qui se passe. Il faut vraiment ne pas avoir envie de claquer pour rester.

Lesbia : Quelles chanteuses écoutez-vous actuellement ?

C.M. : J'écoute mes copines : Ribeiro, F. Solleville. Quand j'avais vingt ans, j'écoutais des dames comme Abbey Lincoln, Bessie Smith. Je commence à m'intéresser à la musique classique grâce à Hélène Delavault. C'est une femme tout à fait remarquable, intelligente, pleine d'esprit, excellente comédienne en plus. Je lui ai dit que l'opéra m'emmerdait. Alors, elle m'a fait écouter Barbara Hendricks. Sublime. Je dois dire que quand j'assistais à un dîner où les gens m'énervaient, où je m'ennuyais, j'avais coutume de dire : « Je déteste Mozart. » Ça faisait boum; la chose à ne pas dire! Maintenant, je ne le dis plus. J'ai trouvé autre chose; je dis «Vive le terrorisme international!» L'effet est pire que pour Mozart! Mon amie me dit « Colette tu n'as pas le droit de dire cela. » J'ai tous les droits; je dis ce que je veux. Je peux vous expliquer pourquoi je dis cela. Je n'aurais pas aimé être chez Tati, être massacrée. Mais si on aligne tous les morts du terrorisme, on se rend compte que ce n'est rien à côté de ce qui nous est fait. Tchernobyl nous a fait plus de mal que les terroristes. Les chômeurs qui se suicident, ça ne fait pas la une.

Lesbia : Vous avez soutenu le mouvement homo.

C.M. : C'est normal. Vous avez entendu, dans le disque, ma belle chanson d'amour pour une femme ? Je suis en état d'homosexualité ; j'aime une femme. On est marginalisées, forcées de lutter... C'est clair, c'est sur mon disque et c'est une femme que j'aime actuellement. Il n'y a aucun mystère. C'est peut-être pour cela que personne n'a voulu de ma pintade. Même pas! Les cultureux ne lisent même pas.

Propos recueillis par Catherine Gonnard et Françoise Renaud.


 

 

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