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9 novembre 2022 3 09 /11 /novembre /2022 12:30

Article de Philippe Réveillé, publié sur Cases d'Histoire :

 

Avec Colette Magny, Yann Madé nous entraîne sur les traces de cette chanteuse et compositrice (1926-1997) tombée dans l’oubli de par ses engagements et son parcours hors des sentiers battus. Cette enquête sur l’artiste et les raisons de son effacement des mémoires nous permet de revivre une tranche d’histoire de la chanson française, de l’histoire de France et même de l’histoire du monde de la fin années 1960 aux années 1990, car ses chansons sont autant de cris de révolte contre toutes les oppressions subies par les peuples de son époque.

A la fin des années 1950, cette future « communiste », dans le sens de la définition rappelée en dernière page de l’ouvrage (p.111) « commun, universel, partagé », travaille comme secrétaire bilingue pour l’OECE (qui deviendra OCDE après 1961 *), dont l’objectif est de favoriser l’américanisation de l’Europe de l’Ouest ! Ce « contre »-emploi lui permet d’approfondir son anglais et de connaître les chansons nord-américaines, mais également de fréquenter toute une bande de fans de Jazz, dont Claude Luter. Elle se met donc à chanter et, à 36 ans, abandonne tout pour la chanson. En 1963, elle connaît ses premiers succès en passant au « Petit conservatoire de Mireille », sorte de télé-crochet dans laquelle sa voix est remarquée. Elle signe avec une maison de disque et produit Melocoton qui fut son grand tube et avec lequel elle est encore un peu connu aujourd’hui.

C’est par cette chanson que commence très justement l’album, parce que Melocoton est l’arbre qui cache la forêt, la chanson qui éclipse les autres et réduit l’artiste autrice à cet unique titre, comme Gaby pour Bashung ou le Mia pour IAM, et crée un malentendu, au sens d’artiste mal-entendue. Melocoton est une histoire étrange d’amitié et de questions sur l’amour, un peu éloignée de ce que sera le répertoire de Colette Magny.

Ce qui donne tout son attrait à cette chanson c’est la voix grave et prenante de Colette Magny (Mais il faut également aller écouter la reprise de House of the Rising Sun ou de Didn’t My Lord Deliver Daniel, dont on ne sort pas indemne). Sachant qu’il ne peut rendre cet élément essentiel, Yann Madé a eu l’idée géniale de représenter chaque chanson illustrée dans le style d’un auteur de BD que la chanson lui inspire. Pour Melocoton c’est Robert Crumb (mais il réutilise aussi Moebius, Disney, Quino, Baru, Reed Waller, Félix Valloton, Ernest Pignon-Ernest, Franquin, Manuel Vasquez, Art Spiegelman, Joe Sacco, Florence Cestac, Tardi…). Et ça fonctionne à merveille pour donner une certaine ambiance de la chanson, et on ne peut s’empêcher, lorsqu’un morceau est cité, d’aller le chercher sur Internet pour l’écouter !
Ironie de l’histoire, Melocoton permet à Colette Magny de passer à l’Olympia en lever de rideau de Sylvie Vartan et Claude François, chanteurs dont elle sera le stricte contraire !
La suite ? Des chansons de plus en plus engagées, pour rappeler que les « Trente glorieuses » ne le furent pas pour tout le monde. Mais aussi des chansons tendres parlant de la vie des humbles. Elle commence sa carrière avec la guerre d’Algérie dont la violence détermine son engagement politique. Mais elle reprend aussi les grandes chanteuses noires (Bessie Smith, Billie Holiday,…) sans jamais se laisser enfermer dans un style.

Elle chante également et surtout les petites gens et les grandes colères contre son époque. Aussi, très rapidement, elle est censurée par l’ORTF, ses disques étant rayés au stylet. Elle s’en moque et rompt son contrat avec CBS en 1964 pour intégrer « Le Chant du monde » (Harmonia Mundi depuis 1993), label proche du PCF qui publie Cora Vaucaire, Ferré, Mouloudji, Bernard Lubat, Marc Perrone… Elle s’y sent en famille, une famille loin du modèle bourgeois.
Ainsi, en 1964, elle écrit Je suis majeure avec un texte faussement naïf d’une jeune fille qui s’étonne des non dits de la société française, comme la faim dans le tiers-monde, à laquelle on répète « On verra plus tard quand tu seras majeure ». La chanson se conclut sur « Bien sûr je suis majeure, mais je n’ai toujours rien compris ».
En 1967, sa chanson titre est Vietnam 67, consacré à la défense de la libération du Vietnam, dans laquelle elle raconte du point de vue d’un vietnamien. Étrangement, une phrase fait écho à Melocoton : « fraternité toujours mais avec le peuple opprimé »

Elle est bien sûr de 1968, à sa manière. Elle part pour Besançon et rejoint le groupe Medvedkine ** de Chris Marker dont font partie René Vautier, Mohamed Zinet, William Kelin, Agnès varda et Jean-Luc Godard et qui donne le matériel aux ouvriers pour qu’ils puissent filmer. Il s’agit bien de faire AVEC les ouvriers et non SUR. Colette Magny enregistre alors différents morceaux au gré des rencontres, en donnant la parole à ceux et celles qu’elle juge opprimé·es et elle s’en inspire également. L’oppression des faibles, la lutte des plus pauvres, la révolte contre l’injustice du monde des puissants restera son fil rouge tout au long de sa carrière. Revers de la médaille, elle sera cataloguée « Chanteuse pour usines en grève »  et gauchiste !

Dans les années 1970, elle connaît des hauts et des bas. Avec Maxime Le Forestier et sa compagne Mara, elle se bat pour le Chili en chantant trois chansons de Violetta Parra et Victor Jara. Elle est de toutes les luttes, de toutes les insoumissions. Elle revient à l’Amérique du nord, mais l’Amérique noire, avec l’album Répression en 1972 et les titres Babylon-USA, black panther party et Répression, album qui donne lieu à la magnifique pochette d’Ernest Pignon Ernest. Elle opte également pour le free-jazz.

Yann Madé explique parfaitement la raison du soutien de Colette Magny aux Black Panthers, mais il va plus loin, et on aime aussi dans cette BD ses fulgurances, qui résument magistralement l’évolution de la musique et de la société de cette époque en lien avec la question noire (pages 49 à 56), le tout dans un noir et blanc très expressif, parfois teinté de tons pastels variant au gré des chapitre.

De même, sur le thème de la répression, l’auteur multiplie les clins d’œil à d’autres époques : la chanson Répression est illustrée par une reprise du dessin de Félix Valloton, La Charge, de 1893 (page 57) mais aussi par la pochette de l’album du même nom de Trust en 1980 et par la photo des lycéens de Mantes forcés de s’agenouiller par la police en 2018.

Colette Magny est de toutes les révoltes et chaque combat donne lieu à une chanson comme un manifeste de sa colère ou de son soutien : la cause basque avec Camarade curé en 1972, Mahmoud et Jacob en 1977, qui dénonce deux exclusions , celle du Palestinien et du Juif, La pieuvre chanson ironique sur les conditions des ouvriers de la grande industrie.

 

En même temps elle multiplie les expériences musicales avec des mix, des collages sonores et des samples (ce qui explique qu’elle est connu des certains rappeurs), et participe à un big band à géométrie variable issu de l’AR-FI dont le nom est tout un programme (association à la recherche d’un folklore imaginaire), créé à Lyon en 1977 et qui joue dans les foyers d’immigrés. Colette Magny continue sur cette voie et sort trois albums dans les années 1980 dont Thanaka, et n’ayant pas l’autorisation d’y mettre tous ses textes, le disque sort quand même mais avec une face vierge ! C’est aussi Kevork, ou le délit d’errance en 1989, dans lequel on trouve le titre Quand j’étais gamine qui évoque un viol. Elle dira plus tard à la
radio avoir été violée par son oncle à huit ans et demie et être devenue très corpulente ensuite, ce qu’elle restera toute sa vie.

Procédant par petites touches, au gré des rencontres et de la mémoire, Yann Madé nous fait revivre à la fois l’intime chez Colette Magny et le contexte historique de cette époque. Les années 1990 sont celles de l’oubli : Colette se fait plus discrète du fait de ses problèmes de santé, d’argent (son dernier disque est sorti grâce à une souscription) et de son caractère… car Yann Madé ne fait pas une hagiographie, il dévoile aussi ses erreurs (sur Cuba, les pays d’Europe de l’Est) et les défauts de Colette Magny : invitée en 1993 à La Chance aux chansons, elle déclare : « Pourtant je n’ai pas le courage des terroristes ! ». Trop radicale, trop exigeante, elle disparaît de la scène médiatique puis de la scène, malgré le concert hommage de Marseille en 1996, mais elle n’a pas été oubliée car ils sont nombreux à reprendre Colette.

Axelle Red en parle : « Je cherchais la Joan Baez française. C’est une chanson que l’on n’entend plus beaucoup. J’ai été surprise de m’apercevoir que personne ne l’avait reprise. J’ai été heureuse de découvrir cette femme avec cette voix de blues incroyable. Elle était quelqu’un d’engagé, du coup, je me suis beaucoup reconnue dans son personnage. C’est en cherchant sur Internet que je suis tombée sur Colette Magny. Pour moi, cela a été une découverte formidable ». Le rappeur Orelsan sample la chanson J’ai suivi beaucoup de chemins pour son titre Mes grands-parents sur la réédition Épilogue de l’album La fête est finie, sortie en 2018. Olivia Ruiz lui rend hommage (p.87) lors d’une émission sur France Inter en 2016. Et puis il y a celles et ceux qui la reprennent dans leur tour de chant : Catherine Ribeiro, Faïza Kaddour, Lila Tamazit, Francesca Solleville, Anne-Marie Fijal, le rappeur Rocé, Jean-Marc Le Bihan.

Véritables documents historiques et poétiques, on entend dans ses textes l’histoire des luttes des années 1960 aux années 1990 : de la révolution cubaine à mai 68, de la guerre du Vietnam aux combats des Black Panthers, des luttes ouvrières au féminisme. Laissons pour finir la parole à Yann Madé (p.94) : « Féministe radicale […] elle voulait surtout une humanité libérée et chacun trouvera, à coup sûr, une raison d’aimer Colette Magny ! » Colette Magny ? C. Magny fit que !


* organisation internationale européenne fondée le 16 avril 1948. Son objectif général est « la réalisation d’une économie européenne saine par la voie de la coopération économique de ses membres ». À cette fin, elle a pour missions de répartir les crédits accordés par le plan Marshall entre les pays de l’Europe occidentale, et de mener à bien un « programme de relèvement européen » notamment par la libéralisation des échanges commerciaux et financiers.

** L’activité des groupes Medvedkine constitue une expérience sociale audiovisuelle menée par des réalisateurs et techniciens du cinéma militant en association avec des ouvriers de la région de Besançon et de Sochaux entre 1967 et 1974. Pendant cette période, les films réalisés par les ouvriers sont produits et distribués par la société de production indépendante ISKRA-SLON fondée par Chris Marker et Inger Servolin. Le nom des deux groupes a été choisi en hommage au travail du réalisateur soviétique Alexandre Medvedkine. Source : wikipédia


Colette Magny, Les petites chansons communistes. Yann Madé (scénario, dessin, couleurs). Jarjille. 112 pages. 16 euros.

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3 juin 2018 7 03 /06 /juin /2018 08:14

Matthieu Jouan écrit dans Citizen Jazz :

Impossible pour Citizen Jazz de ne pas parler du livre Citoyenne-blues, question de logique, simplement.

Ce petit ouvrage, édité grâce à une campagne de souscription, par les éditions En Garde ! ressemble à une biographie de la chanteuse, poétesse et citoyenne engagée Colette Magny, mais c’est autre chose. 
On y croise quelques photographies historiques sur lesquelles, figés, les personnages nous regardent. Ils renseignent sur son univers, sa famille, ses amis. Puis, après un avant-propos du déclameur Rocé, l’autrice Sylvie Vadureau résume brièvement le parcours de l’artiste. Il est bon de se souvenir alors que cette femme, Colette Magny, était faite d’un bois rare, en voie de disparition. Un bois dans lequel on taille les madriers, solide et tendre à la fois. Pas le genre à se fendre au premier rayon de soleil ni à briller quand on l’astique. Plutôt le genre de personne qui vous dit en face ce qu’elle pense, même quand ça rince.

Toute sa musique, tous ses mots sont portés par cette énergie brute.
Une grande partie du livre consiste à mettre en miroir des échanges épistolaires. Colette Magny parle de ses rencontres artistiques et les personnes en question racontent « leur » Colette. C’est l’occasion de croiser la route de plusieurs musiciens de jazz et musiques improvisées, dont notre ami Jean-Jacques Birgé avec lequel Colette enregistra. Les morceaux (#17 à 20) sont libres d’écoute sur le site de drame.org.

Cet ouvrage en forme de carnet de notes à l’attention de ses amis, vient ajouter une pierre à l’édifice trop confidentiel dédié à la mémoire de la chanteuse. Il y a également un coffret de 10 CD qui vient de sortir, c’est peut-être en train de changer. Tant mieux.

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1 octobre 2012 1 01 /10 /octobre /2012 16:14

maitron.jpgLe tome 8 du Maitron (dictionnaire biographique du mouvement ouvrier / mouvement social) est annoncé pour le mois de novembre 2012.


Ce huitième volume de la 5e période – dans la série qui comportera douze tomes ; comprenant chacun un volume papier réunissant plus de 400 biographies et qui offre l’accès gratuit à la totalité du site maitron-en-ligne ; couvrira les lettres Lem à Mel.


Ainsi, dans ce nouveau tome seront présentées les biographies de syndicalistes comme Edmond Maire ou Léon Matarasso, de résistants comme Missak Manouchian ou Arthur London, d’hommes politiques français comme Georges Marchais, Gilles Martinet ou Pierre Mauroy, de femmes engagées comme Maria Antonietta Macciocchi ou Colette Magny, d’historiens comme Emmanuel Leroy Ladurie ou Claude Liauzu, d’écrivains tels que François Mauriac ou Jean-François Lyotard, de cinéastes comme Chris Marker…

 

Plus d'information pour commander : cliquez ici

 

 

 

 

 

 

 

MAGNY Colette, Marie, Armande, Eugénie

 

Née le 31 octobre 1926 à Paris, morte le 12 juin 1997 à Villefranche-de-Rouergue (Aveyron) ; auteur-compositeur-interprète ; figure majeure de la chanson engagée dans les années 1960-1980.


Fille de Georges Magny (né le 7 octobre 1874 à Épineau-les-Voves, Yonne), commis-épicier, chef de rayon, contremaître (goûteur de vins et de fromages) et de Fernande Collas (née le 23 août 1891 à Montmorillon, Vienne), sensible aux pratiques artistiques (théâtre notamment), Colette Magny fut élevée à Paris (XIVe arr.) dans l’aisance jusqu’aux revers professionnels de son père. La famille s’installa trois ans à Reims, puis à Boulogne-Billancourt, son père étant directeur de la coopérative alimentaire de Renault. À la mort de Georges Magny, Fernande travailla comme caissière et commença étonnamment, et avec réussite, une carrière d’actrice de théâtre.
Secrétaire dactylo bilingue pour l’OCDE, à Paris, gênée par une obésité précoce, Colette Magny, encouragée par Claude Luther, trouva dans le jazz et dans le répertoire des chanteuses noires la possibilité de mettre en valeur une voix exceptionnelle. Elle quitta au bout de quinze ans son travail et commença à chanter en anglais dans les cabarets de la Rive Gauche, notamment au Cabaret de la Contrescarpe, en s’accompagnant à la guitare. Elle y admira Francesca Solleville chantant Merde à Vauban de Léo Ferré ; elle y rencontra François Tusques, musicien de free-jazz, un temps son complice musical.
Éveillée à la politique par la Guerre d’Algérie, notamment par un violent affrontement, survenu en 1962 devant son domicile, rue de Grenelle, entre partisans de l’Algérie française et des Algériens, elle appuya les milieux anticolonialistes.
La télévision lui donna une notoriété dans le cadre du conservatoire de Mireille et, en 1963, le succès de sa chanson Mélocoton, enregistrée chez CBS, la propulsa au hit-parade. Elle assura la première partie de Sylvie Vartan à l’Olympia. Mais, dotée d’un tempérament exigeant et fougueux, elle ne se satisfaisait pas de cette percée. Refusant de chanter à nouveau Mélocoton, comme de se spécialiser dans les standards américains, comme Saint James Infirmary, répertoire où elle excellait, elle s’orienta vers des textes poétiques français (Victor Hugo, dont une belle évocation de la classe ouvrière [Les Tuileries], Arthur Rimbaut, Max Jacob, Tristan Tzara, Rainer Maria Rilke, Louis Aragon, Antonio Machado) et des citations politiques, faisant des collages de textes (dont ceux de Jean-Paul Sartre), chantant la Révolution cubaine, tout en utilisant les sonorités du jazz. Sa maison de disques américaine, CBS (qui avait racheté son premier éditeur : Odéon), accueillit mal cette œuvre unique et remarquable. Lorsque le représentant de la maison de disque lui dit « ce Sartre est un communiste », elle lui aurait, selon son témoignage, renversé son bureau sur les jambes. Accueillie à Chant du Monde, un éditeur proche du Parti communiste où elle y connut une grande liberté pour faire une œuvre hors norme puisant dans le free-jazz et la musique classique, avec des textes très personnels. Si elle eut une audience considérable dans les milieux militants, les médias la boudèrent. Elle appartint, un temps court au Parti communiste, sans perdre son esprit critique, mais c’est dans la mouvance du mouvement critique de 1968 qu’elle se reconnut. Son Vietnam 67, bissé lors de sa première présentation au TNP, lui valut une grande popularité dans la jeunesse engagée.
Son concierge, originaire du Nord lui fit découvrir le milieu populaire des bassins miniers, expérience qui l’inspira. Elle chanta à la fête de l’Humanité, à la fête du PSU, dans les Maisons des jeunes et de la culture, dans les usines en grève… Son humour, son auto-dérision facilitèrent des coopérations artistiques diverses, par exemple avec le peintre Ernest Pignon-Ernest. Elle chanta les Femmes en lutte avec Catherine Ribéro, fut acclamée par les gauchistes au rythme de son Répression répression (1972) mais se méfia de la pression des militants et ne seclia à aucune chapelle. Avec Anne-Marie Fijal, la musique garda une place importante dans ses productions. En 1991, dans Kevork, elle évoqua les injustices et le péril écologique. Sa production fut de plus en plus créative, originale, déroutante même. La télévision lui consacra quelques émissions où elle se montra souvent provocante.
Elle avait abandonné son petit appartement de la rue des Flandres et sa 2 CV pour le Rouergue, à Verfeil-sur-Seye (Tarn-et-Garonne) où elle fonda l’association culturelle Act’2. C’est toujours vers le monde populaire que son regard se tournait. « Dans la famille coup de poing, Ferré c’est le père, Ribeiro la fille, Lavilliers le fils. Et moi la mère ! » aimait dire cette artiste engagée.
Elle a abandonné les droits de son œuvre à la Fondation de France.  

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4 juillet 2012 3 04 /07 /juillet /2012 09:48

Extrait de « Le Chant du monde : une firme discographique au service du progressisme (1945-1980) », de Michèle Alten,  publié sur ILCEA

Lorsque paraît le disque connu sous le nom de sa première chanson, « Vietnam 67 », la critique unanime, du Figaro à l’Humanité et au magazine Diapason, salue l’originalité créatrice de l’auteur-compositeur-interprète Colette Magny. Trois qualités majeures lui sont reconnues : l’inventivité de ses textes, souvent composés de collages et de citations littéraires ou philosophiques, l’audace de ses musiques, inspirées du free-jazz, et enfin la qualité de sa voix, comparable à celle des chanteuses de blues noires américaines. Là s’arrête le consensus. En effet la force contestataire du disque ne permet aucun accommodement idéologique (Magny, 1967). Les messages sont virulents et mêlent dénonciation et confiance dans la révolution. Chaque chanson possède une spécificité d’écriture textuelle et musicale qui constitue la richesse de l’album. Et à l’intérieur même de chaque chanson, plusieurs styles se marient. Le parlé-chanté, utilisé pour la proclamation des messages didactiques, se mêle souvent à des musiques aux allures de ritournelle, utilisées pour le développement argumentaire. Lorsqu’elle défend le combat des ouvriers de Saint-Nazaire, Colette Magny joue sur deux registres contrastés : l’appel à la mobilisation s’exprime par un cri tandis qu’un rythme de valse évoque les marées noires bretonnes et la vie des ouvriers du port. Le titre « Choisis ton opium » apparaît comme un clin d’œil à la musique de gospel. Le refrain, à la pulsation très marquée, contraste avec les couplets, faits d’un jeu de citations, exprimant la supériorité intellectuelle du marxisme. La chanson de dénonciation la plus noire met en scène la détresse d’une jeunesse confrontée à un monde inhumain et elle se termine par l’espoir incarné par la révolution cubaine. L’héroïsme des communistes vietnamiens est mis en scène dans une écriture musicale tendue qui culmine dans un salut au peuple combattant. Quant aux couches moyennes des pays industrialisés, elles sont invitées à rejoindre leurs alliés naturels, les exploités. Ici encore un contraste oppose l’adresse directe, martelée à l’interlocuteur et l’évocation de la prise de conscience sur une musique dansante aux effets vocalisants.

Par son mélange d’engagement idéologique et d’inventivité poétique et musicale, cet album est l’expression d’une contre-culture engagée et progressiste. Isolée sur la scène française, Colette Magny, qui enregistre sous le label Chant du Monde jusqu’en 1984, trouvera un lointain prolongement dans le travail de l’italienne Giovanna Marini. Publié également par le Chant du Monde, son groupe de femmes mêle radicalité politique et recherches vocales contemporaines (Marini, 1980). Dans sa Cantate de tous les jours, elle commente avec acidité la répression des manifestations, les migrations économiques et le fossé entre les exploités et les intellectuels. Mais à la fin des années 1970 la confiance dans l’avenir faiblit et le messianisme politique a vécu.

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27 janvier 2012 5 27 /01 /janvier /2012 14:37

101femmes.jpgExtrait du livre de Jean-Paul Damaggio aux Editions La Brochure "Portraits de 101 femmes du monde", pages 147-150 :

Colette Magny (France, Paris, 1926-1997, Villefranche du Rouergue, France)

 

Pas question d'évoquer dans ce livre toutes les chanteuses du monde qui sont parmi nous. Je retiens ton nom suite à un fait simple. En 1980, j'ai conduit jusque chez toi, ma compagne d'alors. J'ai préféré attendre dans la voiture car, par timidité, je ne suis pas d'un naturel à rencontrer les grandes personnalités. Nous étions alors très souvent à Saint-Antonin, en conséquence, il n'était pas compliqué d'aller jusqu'à Verfeuil-sur-Seye, en Tarn-et-Garonne où tu avais élu domicile. Il s'agissait de t'inviter, à titre gratuit, pour venir chanter quelques chansons à Montauban, à l'invitation du PCF, au cours d'uns soirée en l'honneur des femmes.

L'idée de cette initiative féministe, avait fait suite à quelques comportements machos au sein du PCF si bien que ma compagne qui avait tant fait pour cette soirée refusa ensuite d'y participer. De ce soir-là, je ne me souviens que de toi, de ta voix, de ton art.

Par bonheur tu as un jour quitté ton trvail à l'OCDE (Organisation de coopréatioj et de développement économiques) comme secrétaire bilingue et traductrice pour devenir une forme de Bessie Smith, d'Ella Fitzgerald. Donc, en 1963, tu sors un premier 45 tours, deux reprises de Bessie Smith et deux compositions personnelles. Meloctoton devient un tube, le seul de ta carrière : tu passes en lever de rideau à l'Olympia avant le spectacle de Sylvie Vartan et Claude François.

Ensuite tu vivras des hauts et des bas. Avec Maxime Le Forestier et sa compagne Mara, tu te bats pour le Chili en chantant trois chansons de Violetta Parra et Victor Jara. Tu seras de toutes les luttes, de toutes les insoumissions mais en même temps tu indiques :

"Comment se fait-il qu'en 67, par exemple, j'étais au courant de ce qui se passait dans les pays d'Europe de l'Est mais je ne disais rien : pourquoi ? Je me laissais emporter par le mouvement. Je ne veux plus, moins que jamais, me laisser dicter une conduite".

 

Tu as été corpulente dès ton enfance traversée par un drame. Quelque part tu as dit : "Je n'ai pas de vie privée. Ma vie privée se confond avec mon métier", une réaction fréquente chez les femmes. Cette déclaration est venue après cet aveu : petite fille de huit ans et demie, tu as été violée par ton oncle !

Une autobiographie avec Sylvie Vadureau : Colette Magny Ciitoyenne-Blues, Les Editions Mutine, 1996 :

"Je pense que la vie de tout le monde peut être intéressante, mais ça dépend comment c'est raconté. Or, je ne suis pas bonne juge de ce qui est anecdotique ou pas. Il ne faut pas tomber dans la biographie chiante. Alors, il y aura différents éléments écrits par différentes personnes, dont un passage d'analyse musicale".

 

Malgré le faible écho de tes cris et de tes écrits, tu as une postérité :

"Je suis un petit pachyderme de sexe féminin" le titre d'un spectacle de 2009 où, Odja Llorca, à la Maison de la poésie, signe de bouleversantes retrouvailles avec les frissons provoqués par tes chants, avec ton scat à fleur de peau, avec ton swing à faire pleurer de jalousie Bernard Lubat. Inclassable chère Bessie Smith, chère enragée engagée. Ce spectacle est une plongée salutaire dans l'intimité de Simone de Beauvoir qui, pour être l'auteure du Deuxième sexe, ouvrage dont on sait combien il a révolutionné le regard sur le féminisme, bousculé les idées reçues et contribué à l'émancipation de la gent féminine, n'en demeure pas moins une femme éperdument amoureuese de l'écrivain américain Nelson Algren. L'idée de croiser les lettres qu'elle lui envoie consciencieusement; des mois durant, avec des extraits du Deuxième sexe est plus que réussie.

Au même moment une chanteuse belge te croise sur Internet et explique comment elle a repris Meloctoton :

"Axelle Red : Je cherchais la Joan Baez française. C'est une chanson que l'on n'entend plus beaucoup. J'ai été surprise de m'apercevoir que personne ne l'avait reprise. J'ai été heureuse de découvrir cette femme avec cette voix de blues incroyable. Elle était quelqu'un d'engagé, du coup, je me suis beaucoup reconnue dans son personnage. C'est en cherchant sur internet que je suis tombée sur Colette Magny. Pour moi, cela a été une découverte formidable."

 

Mais revenons à toi. Ta musique n'était pas condidérée comme populaire ! Tu n'as pas cédé, tu as gardé la musique populaire des Noirs des USA ! Tu n'as pas cédé, tu as gardé Artaud comme s'il était tonfrère. Tu as un petit texte de présentation que je me permets de reprendre pour mieux te célébrer :

ANTONIN, mon frère, je t'eus connu, je t'eus tue

Momo, môme chiant, je t'ai aimé à première écoute

Je t'aime encore

Tu as craché, vomi, excrémenté pour tous les enfants du monde

Fruit préféré, tu es mon noyau de cerise

La terre, la garce, a tourné autour de toi

Je suis fière de toi, pépère,

Moi, sur le pèse-nerfs, j'ai cassé la bascule

Un demi-siècle passé à doubler de volume

par grands paquets en plus en moins

Je me suis bousculée le tempérament

Au secours, ma douceur, je me démuraille

On court dans le désert, on court dans la steppe

On est toujours au coin de la rue, misérable

D'espace en espace on pédale, toujours dans la semoule

Je t'aime, Momo, parce que tu as osé basculer dans le manque total

Rien de pire, rien de plus beau ne peut me faire exister

J'en meurs.           (CM.)

 

Tu étais consciente que le chemin est loin. Tu avais noté que dans ton village du Sud-Ouest, une soirée antinucléaire c'était deux cent cinquante personnes et le moto-cross : quelque mille personnes. "Tant que cette proportion ne sera pas inversée, c'est comme ça qu'ils auront (ou qu'ils se préparent à accepter) la guerre nucléaire".

 

Un mot pour finir, sur le féminisme. Aussi inclassable que d'habitude. "Il n'y a plus actuellement qu'une catégorie de personnes pour venir m'engueler, ce sont les féministes. elles sont curieuses ; ce sont des féministes qui n'aiment pas les femmes." Pourtant tu es bien sûr une féministe et tu te réjouis des victoires sur l'avortement, la contraception, et tu célèbres leur courage.

Axelle Red se dit également féministe :

"Quand on se promène dans le monde, on s'aperçoit que l'on n'a toujours pas les mêmes droits. Même dans notre culture, quand on voit le nombre de femmes qui subissent la violence dans leur couple. Il y a encore du travail !"

 

 

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8 décembre 2011 4 08 /12 /décembre /2011 12:17

guide-tombe.jpgExtrait du livre "Guide des tombes d'hommes célèbres" de Bertrand Beyern (Ed. Cherche Midi, décembre 2011)

 

page 261 :    

tombe-livre.jpg

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26 mars 2011 6 26 /03 /mars /2011 08:35

Trois CD viennent de paraître chez EPM :

 

Thanakan

 

 

Thanakan - Album (10 titres)

 

 

 

visage-village.jpg

 

 

Visage-village - Album (14 titres)

 

 

 

 

transit.jpg

 

 

Transit - Album (8 titres)

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2 décembre 2010 4 02 /12 /décembre /2010 07:32

Extrait page 232 du livre "Jean Ferrat, Je ne chante pas pour passer le temps" de Daniel Pantchenko (Fayard, 2010) :

 

Philippe Constantin [préparant un article pour le numéro de mai 1968 du mensuel Rock & Folk] reproche à Ferrat d'entretenir l'image d'une révolution cubaine folklorique; très souvent, ses questions sont beaucoup plus longues que les réponses de son interlocuteur soumis à une espèce de feu roulant : "Je pense que les autorités ont réellement compris le danger de Potemkine, le sentiment de révolte. Elles n'en ont pas vu dans Cuba si, Cuba si donne bonne conscience : j'écoute ça donc je suis de gauche, et je me rassois dans mon fauteuil; elle parle de quelque chose qui représente un réel danger pour le capitalisme, mais elle n'est pas interdite. Elle parle d'un danger, mais elle n'est pas dangereuse, comme l'est par exemple Le Mal de vivre de Colette Magny, interdit et c'est dans la logique du système".

 

Daniel Pantechenko complète cette citation par l'annotation suivante (p. 236) :

Dans l'album, Frappe ton coeur, paru en octobre 1963 au Chant du Monde, que Colette Magny a rejoint après que CBS lui eut refusé Le Mal de vivre, chanson intermondialiste (France, Afrique, Cuba...) conçue entre le récitatif et le cri, qui commence par "Fait divers : un jeune homme de dix-huit ans s'est suicidé. Voici ce qu'il a écrit : "Les hommes vivent comme des loups"" et entretient un leitmotiv : "J'ai le mal de vivre... Un grand espoir, et c'est Cuba." Cette chanson sera réintégrée, quatre ans plus tard sous le titre Viva Cuba, dans l'album Vietnam 67. Colette Magny est décédée le 12 juin 1997.

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21 novembre 2010 7 21 /11 /novembre /2010 16:53

les femmes de la chansonExtrait des pages 153 et 154 du livre "Les femmes de la chanson - Deux cents portraits de 1850 à nos jours" de Yves Borowice, Claude Antonini, Laurent Bolandr, Jacques Mandre, Christian Marcadet, Martin Pénet, Nicolas Vallée, Jean Viau (paru le 27/10/2010 - Ed. Textuel - 271 pages).

 

Colette Magny

Paris, 1926 - Villefronche-de-Rouergue, 1997
" II me faut inventer un langage, choisir des mots et des phrases construits de telle sorte qu'ils puissent se placer comme je le sentirai dans l'instant." Et en inventant, choisissant, construisant, Colette Magny est devenue un cas absolument à part dans la chanson française.
Fille d'un contremaître et d'une mère au tempérament artiste, Colette souffre dès sa jeunesse d'une obésité qui la handicapera toute sa vie. Initiée au jazz par Claude Luter, elle se passionne pour le blues et les chanteuses noires. À 36 ans, après avoir été quinze ans dactylographe bilingue à l'OCDE, elle se lance dans les «variétés»... Elle fait ses premiers pas au Cabaret de la Contrescarpe avec un répertoire en anglais, puis fréquente le Petit Conservatoire de Mireille, qui la présente à la télévision.
femmes-magny.jpgEn 1963, le succès de sa chanson Melocoton est fulgurant et la conduit à l'Olympia en première partie de... Sylvie Vartan, mais il est sans lendemain. Elle refuse de devenir la blues-woman blanche promise au succès et son répertoire personnel, plus politisé (Co-opération, Viva Cuba), ne plaît pas à CBS. L'éditeur progressiste Le Chant du Monde la prend sous contrat, lui offre toute liberté de création et une série d'albums mémorables verra le jour: Frappe ton cœur, VietNam 67, Feu et Rythme, Répression, Transit, jusqu'à Visage-Village, son chef-d'œuvre de 1977.
Parallèlement, elle se produit sur des scènes conformes à ses convictions: la Cartoucherie, la Fête de l'Humanité ou celle du PSU, mais aussi dans les foyers déjeunes travailleurs, les MJC, les usines occupées. Son répertoire composite reflète une grande cohérence de la forme et du fond. Il défie le monde du spectacle par sa diversité : blues magistralement interprétés, free jazz, mélodie française, poèmes mis en musique (Hugo, Aragon, Louise Labé, LeRoi Jones, Neruda...), chansons-collage truffées de citations ou écrites au cœur des luttes. Ses thèmes dérangent: la répression policière, le conflit israélo-palestinien, les enfants handicapés. À l'occasion, Colette pratique l'humour voire l'autodérision comme dans le célèbre Ras-la-trompe ("Je suis un petit pachyderme de sexe féminin").

Elle invente une écriture très personnelle, fruit d'une recherche formelle exacerbée, faisant éclater le genre jusqu'à chanter le dictionnaire ! Avec une diction et une articulation qui swinguent naturellement, elle recompose les textes à partir de leur rythme propre afin de leur donner du sens. Sa voix vient des tripes : elle systématise l'usage du cri, les borborygmes, les coulées verbales à la scansion hachée, les modulations inédites. À son crédit, de nombreuses collaborations inter-arts avec le free jazz (François Tusques), la musique classique (Sylvie Dubal) ou contemporaine (André Almuro), le rhythm'n'blues (Mickey Baker) et les arts plastiques (Ernest Pignon-Ernest). Elle s'implique dans des créations collectives: Femmes en lutte avec Catherine Ribeiro et la Haïtienne Toto Bissainthe, Chili: un peuple crève... avec Le Forestier et Mara ou, en 1979, avec les enfants d'un institut médico-pédagogique. Éveillée à la politique au temps de la guerre d'Algérie, elle hurle mieux que quiconque les révoltes d'alors. Un temps, ses spectacles furent perturbés par des militants intransigeants, au point qu'elle délaissa la scène plusieurs années.
On ne peut citer que quelques joyaux parmi les 230 titres enregistrés : Saint James Infirmary, Les Tuileries, VietNam 67, À Saint-Nazaire, Jabberwocky, Répression, Chronique du Nord, La Panade, La mort me hante, Quand j'étais gamine... Respectée par la profession (nombreux prix Charles-Gros) bien que boudée du grand public, d'une rare rigueur artistique et morale, Colette était généreuse jusque dans ses emportements, qui cachaient mal une nature sensible. Sa corpulence impressionnante avait une certaine grâce et elle exerçait une séduction réelle sur les publics féminins, mais resta toujours discrète sur ses amours particulières. Malade de la colonne vertébrale, elle vécut ses dernières années dans une semi-retraite et des conditions précaires. Avant que ses saintes colères et son rire tonitruant ne laissent un grand vide.
C.M.


Ecouter • Melocoton [1965], CD Versailles/Sony Music n"VER 488 602-2, 1997 • VietNam 67, Mai 68, CD CMP/Scalen'Disc n° CPMCD 071 SCA 470, 1993
Lire • Sylvie Vadureau, Colette Magny: citoyenne-blues, Éditions Mutine, 1996

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10 novembre 2010 3 10 /11 /novembre /2010 11:46

LavilliersLu pages 295, 310 et 311 dans "Les vies liées de Lavilliers" de Michel Kemper  (Ed. Flammarion) au sujet de suspection de plagiat dans l'oeuvre de Lavilliers :

 

" Outremer est une chanson suspecte. À rapprocher d'Heure grave, texte de Rainer Maria Rilke, dans une traduction et une interprétation de la chanteuse Colette Magny (Album 30 cm Colette Magny, 1965, CBS réf. 62 416) :
    Qui maintenant quelque part dans le monde
    Sans raison pleure dans le monde
    Pleure sur moi [...]
    Qui maintenant marche quelque part dans le monde
    Vient vers moi.
                            (Heure grave - Rainer Maria Rilke)

Même si le sens diffère singulièrement du texte souche, la « version » de Bernard Lavilliers adopte une composition proche ;
     Qui / maintenant / Pleure encore / Outremer
     Qui / Quelque part / Pleure encore / Pourquoi [...]
     Qui, Maintenant  Marche encore / Outremer
     Qui / Quelque part / S 'éloigne / De moi.
                            (Outremer - Bernard Lavilliers, 1991)
[...]

Prendre au texte souche toute sa substance, oui... quitte à en faire tout autre chose ensuite, voire à lui faire dire exactement le contraire ! Exemple chez Rilke, pour Heure grave :

    Qui maintenant marche quelque part dans le monde
    Vient vers moi.
Qui, une fois mué en Outremer chez Lavilliers, devient :

    Qui maintenant  marche encore outremer
     Qui quelque part s''éloigne de moi

 

 

Colette Magny toujours. En 1968, l'auteure de Mélocoton ose jeter de la musique aux pieds des vers de Victor Hugo, sur les Tuileries. Vingt ans plus tard, ce texte inspirera Bernard pour son fameux On the Road Again, titre vedette de l'album If. Convenons qu'il est intéressant: de se pencher sur ce "tube", de tenter d'en extraire l'ADN. Hugo d'abord :
     Nous sommes deux drôles

     Aux larges épaules

     De joyeux bandits

     Sachant rire et battre.

                      (Les Tuileries - Victor Hugo)
[Cela devient chez Bernard Lavilliers :]

     Nous étions jeunes et larges d'épaules
     Bandits joyeux, insolents et drôles
     On attendait que la mort nous frôle

                      (On the road again - Bernard Lavilliers, 1988)

 

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