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11 juillet 2022 1 11 /07 /juillet /2022 06:08

Article de Michel Kemper sur Nos enchanteurs :

Depuis longtemps, les éditeurs de bandes dessinées se sont emparés de la chanson. Sans beaucoup plus d’imagination et de courage que les éditeurs de biographies : que des chanteurs « bankables », comme si la chanson ne se résumait qu’à une cinquantaine d’artistes, guère plus, méprisant de fait le reste.

C’est dire si cette BD est remarquable, en tout cas se doit d’être remarquée, saluée comme il se doit : une bande dessinée sur Colette Magny qui, dans ses cases, capture même Catherine Ribeiro, Julos Beaucarne, Cora Vaucaire, François Béranger, Marcel Mouloudji, Bernard Lavilliers, Steve Waring, Caroline Personne, Christiane Courvoisier, Renaud, Joe Dassin, Trust, Coluche et quelques autres encore. Un large pan de la chanson. Citons sans tarder le nom de l’auteur, Yann Madé, et celui de l’éditeur stéphanois un peu dingue, couillu même : Jarjille éditions. Ils méritent notre estime.

Car, dans un monde où la chanson, la vraie, voit sa surface publique se réduire considérablement, où le souvenir des artistes mémorables s’estompe plus encore chaque jour, quel peut-être l’intérêt d’un tel ouvrage ? Économique ? Il y a péril en la demeure. Historique ? A l’évidence ! Artistique ? Oui, le travail de Yann Madé, son regard, sa restitution, son trait aussi, tout est intéressant. C’est par le truchement de Pierrot, « un de ses plus grands fans », que Madé retrouve les traces de Colette Magny, à la manière d’une enquête, d’un dossier, d’une possible biographie : du reste, la collection dans laquelle ce travail est publié se nomme « autobio ». Avec, à la manière d’« encadrés », des pages quasi indépendantes qui mettent en images quelques chansons, paroles inclues, telle que Camarade curé, Répression, Nous sommes le pouvoir, Vietnam 67, J’ai suivi beaucoup de chemins, Mélocoton, etc. Et, parfois, des remarques bienvenues, qui montrent le sérieux et la connaissance du dessinateur : ainsi celle sur Les Tuileries (un texte de Victor Hugo chanté par Magny) où Madé se permet « Je pense à Lavilliers quand j’écoute la chanson Les Tuileries » (rappelons que Lavilliers a pompé en partie cette chanson pour son On the road again – NDLR).

C’est une BD en bichromie, aux traits nerveux (surtout quand les CRS tapent sur les étudiants en mai 68…), efficaces. Aussi intéressant que pourrait l’être un dossier du magazine Je Chante ! (de ma part, c’est dire mon admiration pour ce travail).

Dessinateur ayant versé dans l’animation socio-culturelle (à le lire, on devine qu’il fait de l’éducation populaire sa feuille de route), Yann Madé est le fondateur du fanzine marseillais Kérozène, a fait ses études d’arts plastiques à Aix-en-Provence et diverses formations à la Cité internationale de la BD d’Angoulème. Il est l’auteur de Alifbata aux éditions Un autre dessin du monde en juin 2022 et, déjà, d’une BD aux Microsillons dédiés l’an passé chez Jarjille.

Allez-y, achetez cette BD, faites-lui même un triomphe, ne serait-ce que pour prouver qu’un tel bouquin a le mérite, la nécessité d’exister. Que « les petites chansons communistes » (tel est le sous-titre de cet ouvrage) peuvent encore se frayer un passage dans nos têtes et y faire revivre quelques résiduelles envies de révolte.

Yann Madé, Colette Magny, les petites chansons communistes, Jarjille éditions 2022. 112 pages, 16 euros.

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6 avril 2022 3 06 /04 /avril /2022 16:06

Yann Madé fait paraître une bande dessinée sur Colette Magny

"Colette Magny était une chanteuse engagée et féministe, elle a côtoyé ou influencé tant d'artistes, de Mouloudji à Orelsan en passant par Olivia Ruiz, pourtant beaucoup semblent l'avoir oublié. Voilà pourquoi, sur les pas de Pierrot qui est un de ses plus grands fans, j'ai décidé de vous raconter qui elle était..."

Pour commander : cliquez ici

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17 avril 2021 6 17 /04 /avril /2021 05:04

"Underground - Grandes Prêtresses du Son et Rockers Maudits" d'Arnaud Le Gouëfflec et Nicolas Moog vient de paraître aux éditions Glénat. Ce livre se veut présente comme une bible de la musique indépendante. Les auteurs content l'histoire de "ces hommes et ces femmes qui ne sont pas connus du grand public et dont pourtant, leurs œuvres ont bouleversé l’histoire de la musique".

Sur France Inter, Mélanie Bauer, souligne tout l'intérêt de ce livre préfacé par Mishka Assayas : "50 histoires de musique hors normes, avec à la fin une discographie formidable, les pochettes de disque sont toutes redessinées pour accompagner les biographies des artistes de la BD. Un premier pas vers une culture pachydermique d'influenceurs du futur [...]. Le livre s'ouvre sur une première vie, celle de l'incroyable compositeur Moondog, clocheur aveugle, dont l'auteur Arnaud Le Gouëfflec définit la musique de la formule : un mélange de Beethoven et de tam-tam en peau de bison. Les dessins de Nicolas Moog racontent avec humour et tendresse les destins de ces humains hors des clous sans jamais les caricaturer. Il n'y a pas d'ordre ou d'alphabétisation dans ce livre, ce n'est pas une encyclopédie, on passe de Moondog à Daniel Johnston puis Colette Magny, sans la moindre logique et c'est tant mieux. Colette Magny est morte à 70 ans, en 1997 à Villefranche-de-Rouergue. Elle a commencé à chanter tard, à 36 ans, elle fait du blues en français, puis du free jazz. Son engagement politique, écolo avant l'heure, gauchiste évidemment, l'éloigne des palais du show-biz pour laisser une œuvre qui révolutionne la chanson. [...] Ce qui est bien c'est que les biographies de ces artistes ne sont pas savantes, excluantes, au contraire, les angles sont malins, le dessin noir et blanc rappelle celui des BD américaines de la freepress. On peut y lire l'histoire du groupe The Residence ou de Daniel Johnston, par exemple, sans jamais avoir écouté une note de leurs chansons. Daniel Johnston voulait devenir les Beatles, c'est ce que raconte avec subtilité sa biographie dans la BD Underground, un livre de fans évidemment. Au sens noble du terme, dont le parti pris est de nous rappeler que le choix de la création, plutôt que de la popularité, est tortueux mais extraordinaire. Ces gens sont ceux qui ont changé notre monde, sculpté dans l'ombre les musiques d'aujourd'hui."

 

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Au sujet de cette BD, Jean-Laurent Truc écrit dans Ligne Claire :

"Qui est ce Moondog qui ouvre le bal ? Un percussionniste viking, aveugle sera le Beethoven de la musique minimaliste. On revient à Colette Magny dont on garde un beau souvenir, fort, puissant qui a été au premier rang de la vraie musique française, engagée, radicale, franche et honnête. Elle chantera Artaud et on se souvient de son large visage épanouie et de sa voix éclatante. Savoir si Magny était underground est un autre débat. Le plaisir de la retrouver dans cet atlas est bien réel"

 

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17 décembre 2020 4 17 /12 /décembre /2020 07:43

Alice Babin vient de publier aux éditions Les Arènes "Histoires du soir pour filles rebelles - 100 femmes françaises extraordinaires".

Un très beau livre pour petits garçons et petites filles trop sages afin de les guider dans leur vie sur les pas de personnalités féminines passionnantes. Des créatrices, des championnes, des dirigeantes, des militantes, des artistes pour inspirer, pour défendre ses convictions et poursuivre ses rêves.

Et parmi ces 100 exemples féminins, figure Colette Magny ! Qu'aurait-elle pensé de se retrouver ainsi prise en exemple, au même titre par exemple que Jeanne d'Arc ?!...

 

Illustration : Camille de Cussac

Colette Magny

Autrice, compositrice, interprète

Enfant, Colette est passionnée par le jazz. Cette musique née aux Etats-Unis chante les malheurs des personnes capturées en Afrique et déportées en Amérique pour travailler comme esclaves sur la terre des Blancs. Elle découvre que la chanson peut être un moyen de résister face aux difficultés de la vie.

A la maison, Colette passe son temps à chanter et aimerait en faire son métier. Mais pour sa mère, une artiste au caractère peu commode, Colette n'a aucune chance. "Tu ne respectes aucune mesure!" lui dit-elle, exaspérée. C'est un peu vrai : Colette déforme toutes les chansons qu'elle reprend... La fillette se dit : "Puisque je ne sais pas chanter les morceaux des autres, il faut que j'écrive mes chansons!"

en 1962, la jeune femme assiste à une violente bagarre entre deux hommes qui débattent de la guerre d'Algérie. Elle court acheter les journaux pour s'informer de ce conflit. La méthode Magny est née ! Toute sa vie, Colette écrira ses textes en s'inspirant des gens qui l’entourent, de l’histoire et des luttes politiques. Ouvriers, révolutionnaires, marginaux... l'artiste chante le quotidien de ceux qui luttent et s'impose comme l'une des auteurs de chansons les plus engagés de son temps. Lorsque les producteurs et les maisons de disque refusent de financer ses projets, prétextant qu'elle et trop grosse, ou trop timide, ou trop ceci, pas assez cela, Colette persiste. Elle devient indépendante pour pouvoir écrire ce qu'elle veut : par exemple, un morceau sur la guerre du Viêtnam, ou un autre où elle raconte les déboires d'un éleveur de pintades. Elle met aussi en musique des textes de poètes. On lui disait que me public n'aimerait pas, et bien Colette Magny l'a fait, et elle fut même ovationnée !

31 octobre 1926 - 12 juin 1997

© Camille de Coussac

 

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24 avril 2018 2 24 /04 /avril /2018 08:23

Vient de paraître "Sous les pavés : une anthologie des airs rebelles et engagés !" de Stan Guesta (Ed. Licences, 35 €) :

En choisissant 68 chansons qui ont marqué les esprits et leur temps un peu partout à travers le monde, Stan Cuesta propose un voyage dans l’histoire de la chanson populaire mondiale sous un angle original, celui de la contestation, pour célébrer « l’esprit de mai 68 », moment clé d’un désir de changement politique et social en France, alors que parallèlement, de l’autre côté de l’Atlantique, la colère monte contre la guerre du Vietnam.

Au fil de ces évocations, on croise aussi bien Boris Vian que Bob Dylan, Léo Ferré que John Lennon, Jacques Dutronc que Colette Magny, The Cash ou NTM... Les idéologies passent, les révolutions triomphent ou échouent, mais les chansons populaires, quand elles sont bonnes, demeurent et traversent le temps, survivant bien souvent aux idées qui les ont engendrées, grâce à la simple magie d’un rythme, d’une mélodie. Et elles finissent par définir leur époque de façon plus immédiate et sensible que ne pourront jamais le faire tous les livres d’histoire.

Au sujet du disque Vietnam 67 de Colette Magny, Stan Guesta écrit :

Colette Magny (1926-1997) vient à la chanson sur le tard, après avoir connu le monde du travail et l'engagement politique. C'est sans importance, car elle n'appartient pas à l'univers de la variété jetable- où l'âge et l'apparence comptent plus que la voix ou la qualité des chansons. Son royaume, au départ, c'est le blues, notamment celui de Bessie Smith, l'une de ses idoles, dont elle reprend les classiques. Pourtant, dès son premier disque en 1963, elle obtient un succès imprévu avec le fameux "Melocoton", une chanson accrocheuse sur laquelle sa voix puissante et incroyablement expressive fait des merveilles.

Très vite, elle s'éloigne de la chanson "de divertissement", désireuse de chanter le quotidien, la vie, la peine de gens, le travail, les luttes... Le show bizness ne comprendra jamais sa démarche, à l'image de , célèbre guitariste américain Mickey Baker qui l'accompagnait sur ses premiers disques CBS et qui lui dit « Va faire tes chansons communistes qui ne rapportent pas un centime… »

Et c'est ce qu'elle fait, quittant CBS pour Le Chant du Monde, fameux label proche du parti communiste, qui publie de nombreux compositeurs russes et des chanteurs engagés comme Léo Ferré. À ceux qui lui réclament son «tube », elle répond souvent : "Melocoton est mort au Vietnam". Car la guerre du Viêt-Nam va devenir le sujet de l'un de ses grands albums révolutionnaires gravé en 1967. La chanson titre, moitié parlée, moitié chantée, met en scène des combattants vietnamiens. Clin d’œil à un passé pas si éloigné, elle y glisse la phrase la plus connue de "Melocoton" : "Vietnam 67 / Van Phan Dong m'a dit / Viens donne-moi la main/ Tu verras, ici, c'est la guerre des vélos." C'est une pure chanson militante, presque comme une harangue, qui se termine par : "Ho Chi Min vous l'a dit / Nous ne nous laisserons pas intimider / Vietnam 67 / Longue vie au peuple vietnamien".

Pourtant, là ou ce genre de chanson est généralement rasoir et sans intérêt, celle-ci s'élève au rang d'oeuvre d'art grâce à la voix de Magny et à sa musique, en elle-même révolutionnaire. La chanteuse s'est en effet éloignée du blues pour se rapprocher du free jazz, style alors très en vogue, principalement dans les milieux d'extrême gauche puisqu'il symbolise la liberté absolue en musique. Elle enregistrera d'ailleurs avec les meilleurs musiciens comme ici le bassiste Beb Guérin ou, plus tard, le pianiste François Tusques.

L'année suivante, Mai 68 est à la fois une surprise et un moment crucial pour Colette Magny. Les cinéastes Chris Marker et William Klein lui prêtent des enregistrements des « événements». Elle les monte, avec des chansons comme "Ensemble" ou "Nous sommes le pouvoir", en un collage sonore qui devient le disque 68-69. Couplé au précédent, il sera réédité en 1983 sur un CD titré Vietnam 67/Mai 68, superbe document d'époque sur le véritable esprit de Mai 68.

 

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Sur la même thématique, signalons également la parution du livre "Sucré amer 1968 - Une révolution en chansons et musiques" de Jean-Michel Sananès (Ed. Chemins de Plume, 14,00 €). 

Le compagnon d'une chanteuse folk rencontre les chansons d'une jeunesse américaine engagée pour les droits civiques et pour le respect de la nature. Ce nouvel humanisme enflammera la jeunesse mondiale. Grâce à lui, le narrateur découvre l'espoir et l'envie de se battre pour un monde meilleur. D'extraits de chansons en réflexions, nous découvrons les mots, les musiques et les hommes qui, hors des partis politiques, ont construit l'idéologie subliminale de cette décennie 68 qui a changé les consciences et aurait pu modifier le monde. Dans cet ouvrage, se croisent l'amour, la poésie, la musique, la drogue et la descente aux enfers de certains, les événements politiques, les brutalités de l'Histoire, l'arrivée des grandes ONG, l’espoir et, finalement, la désillusion :

"Je me souviens de vous, je me souviens de nous, je me souviens de tout,et de ces affiches qui fleurissaient z Sous les pavés la plage ; Vos rêves les plus fous ne sont pas à la taille de nos espérances ; Salaires légers chars lourds ; La police à l ’ORTF la police est chez vous. C'était un temps désespéré où le rêve et l'espérance se heurtaient au cynisme et à l‘indifférence des pouvoirs. Je me souviens de Paco Ibanez chantant: La poésie est une arme chargée de futur, de Renaud et son Crève salope, de Colette Magny jetant son blues sur la misère des hommes, de Léo Ferré et son Ni Dieu ni maître, de Claude Nougaro posant son Bidonville sur le désespoir des exclus, de Country Joe Mac Donald à Woodstock, de Brigitte Fontaine et sa folie dans laquelle je me reconnaissais. Je me souviens de tous. Sur les murs j'avais écrit : "Ils ont la matraque, nous avons l'espoir". Nous, nous étions là où les hommes souffraient, avec Martin Luther King et Mandela, et avec tous ceux qui voulaient l'égalité entre les hommes. Nous étions frères d'Allende et de Victor Jara. Nos poètes s'appelaient Pablo Neruda, Allen Ginsberg, Keith Barnes. Lennon chantait Give Peace a Chance. Jack Kerouac nous abreuvait de sa mute. Nous pleurions Jan Palach et les suicidés de Prague. Je me souviens de tous, des refuzniks, de Ravi Shankar, Bob Dylan, Georges Ham‘son, Ringo Starr, chantant contre le génocide du Bangladesh et de Paul Kantner dénonçant dans 7eme Mère, les crimes écologiques. Je me rappelle ces américaines réclamant l’égalité "homme femme", Sacco et Vanzetti nous revenant plein cœur dans une chanson de Joan Baez. Je me rappelle une musique qui se réinventait et un Folk Song qui portait la bonne parole. Je me souviens de vous, je me souviens de tout. J e me souviens de ceux qui sont partis et de ceux qui restent Je me souviens d'un temps où l'éthique voulait prendre le pouvoir.
Encore parfois je rêve
."
 

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15 juin 2017 4 15 /06 /juin /2017 15:11

Dans son livre "Le Roman de la chanson française" (Editions du Rocher - 2017 - 288 pages), 
David Lelait-Helo évoque Colette Magny quand il aborde l'impact de Mai 68 sur la chanson. "Reflet fidèle des oscillations du monde, la chanson française a reçu en plein cœur la contestation de Mai 68" :

Si, parmi les enfants de 1968, Le Forestier rencontre le grand public, c'est qu'il reste un observateur paisible et raisonné, un homme toujours positif. Lavilliers est, lui, un saltimbanque mi-pirate mi-rocker dont on s'est habitué aux absences pour cause de voyage au long cours, Fugain un beatnik festif et rêveur tandis que Ferrat est le poète qui, volontairement, s'est retiré du monde. Mais d'autres, plus virulents, n'ayant cédé à aucune compromission, devront se limiter à des carrières confidentielles. Colette Magny est de ceux-là, bien que son talent fût immense. Elle avait commencé en 1962 dans les cabarets, avait poursuivi à l'Olympia en 1963 entre Sylvie Vartan et Claude François. Elle y chantait Melocoton, une petite chanson de presque rien du tout comparée au feu sacré qui la brûlait. Elle n'a rien à faire dans le petit monde si gentil des yéyés... 68 lui inspire le tonitruant Nous sommes le pouvoir. Son timbre syncopé, fracassé, entre blues et jazz, porte bientôt ses nombreuses colères. Elle est la voix des opprimés, des pays en guerre, des ouvriers en grève, des étudiants aux barricades, des mineurs exploités. Elle met en musique Hugo, Artaud, Aragon, Baudelaire, Rilke, Max Jacob. « Dans la famille coup-de-poing, Ferré c'est le père, Ribeiro la fille, Lavilliers le fils, et moi la mère ! » s'enorgueillit-elle en fronçant les sourcils à la manière d'une ogresse, telle qu'elle se définit elle-même. De si nombreux coups de poing et un tel refus des concessions, qui lui valent de se fâcher peu à peu avec les décideurs de la profession jusqu'à sa mort en 1997. 
 

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9 mars 2017 4 09 /03 /mars /2017 13:11

Dans le numéro 15 de La Revue Dessinée, Arnaud Le Gouëfflec et Nicolas Moog consacrent 8 pages à retracer la vie de Colette Magny.

"Chanteuse libre, elle sert les textes des grands poètes avec des choix musicaux audacieux, brisant le moule de la chanson française". "Répression, suspicion, attention, où va-ton, jusqu'où ira-t-on" prévenait-elle dès 1971. En ces temps d'état d'urgence, la réécouter file le blues"...

Merci beaucoup aux auteurs Arnaud Le Gouëfflec (scénario) et Nicolas Moog (dessin) ainsi qu'au directeur de publication Franck Bourgeron autorisant la reproduction ci-après de ces pages :

 

 

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20 juin 2015 6 20 /06 /juin /2015 09:37
L'expérimentation musicale des seventies

Maxime Delcourt répond aux questions de Paulette Magazine au sujet de son livre "Il y a des années où l'on a envie de ne rien faire" :

Si certains de ces musiciens sont des "filles de" ou "fils de", d'autres sortent carrément de nulle part. Et notamment Colette Magny qui a passé 17 dans dans le secrétariat avant d'être mise sur le devant de la scène. Tu crois pas que certains artistes se sont retrouvés populaires un peu par hasard et qu'ils ne désiraient pas forcément être connus en tant que chanteur mais plutôt en tant que contestataire ?

En effet, on peut facilement déceler deux catégories parmi les chanteurs expérimentaux de cette décennie. Ceux qui refusaient toute notion de célébrité et étaient des fervents contestataires et revendicateurs. Comme Dominique Grange Colette Magny, et même Brigitte Fontaine qui avait refusé de poser nue en Une de "Lui" pour la simple et bonne raison qu'elle ne désire pas être reconnue pour autre chose que ses chansons. A l'inverse, il a des gens comme Christophe qui a sans cesse su se renouveler et changer d'univers sans jamais vraiment défendre telle ou telle cause. Il s'agissait d'une époque où l'audace et la créativité avaient beaucoup de succès. Du coup, même ceux qui composaient des chansons protestataires faisaient en sorte de produire quelque chose d'anticonformiste et original, par amour de l'expérimentation.

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Extrait de son livre (pages 186-187) :

Colette Magny - Répression ( Le Chant du Monde - 1972)

Répression n’est ni le début, ni la fin de Colette Magny mais son incroyable sommet, le pertinent cri marginal qui prend enfin le monde entier à témoin et lui offre un catéchisme total: des précis (l’esclavagisme, la discrimination politique et policière etc.), une esthétique free jazz et un son qui défie le conformisme grâce aux compositions et aux arrangements de François Tusques. Cette évolution illustre l’impatience chronique d’une insoumise qui, lasse de simplement aiguiller les bonnes consciences, va s’ingénier à tordre les mélodies dans tous les sens, comme elle le fera en 1975 avec le Free Jazz Workshop de Lyon sur le tout aussi exaltant Transit.
Plus qu’une révolte, Répression est un outil intellectuel et émotionnel au service du changement social. « Babylone-U.S.A. », placé en ouverture, résume l'éclectisme de ce personnage singulier de la chanson contestataire française, nichant sa voix bouillante dans un emballage sonore contemporain - arrangements tordus, rythmiques tribales, free jazz transgressif. Première pièce d’une suite de dix-neuf minutes écrite par François Tusques et intitulée « Oink-oink », « Babylone-U.S.A. », au même titre que « Cherokee», « Djoutche » et « Libérez les prisonniers politiques », reprend des fragments de discours des différents responsables du Black Panther Party. Si le clin d’œil au mouvement de Bobby Seale et Huey P. Newton est évident sur la pochette de l’album, signée Ernest Pignon-Ernest, il l’est donc tout autant dans les propos, où il est question de « faire taire les voix de la prudence », de considérer les États-Unis comme « un gouvernement de capitalistes internationaux » ou encore de l’esclavage des Noirs américains.
Au sein de ces sept morceaux, il n’y a jamais de tentative pour apprivoiser, dompter ou occidentaliser les revendications. Au contraire: tout se passe comme si les compositions de Tusques étaient d’abord des cadres libres à l’intérieur desquels Colette Magny peut exprimer toute sa rage et où fermenté une musique presque anarchique. Mais l’insoumise ne vire pas tout-expérimental pour autant, et donne corps par la suite à des compositions au minimalisme certain. À l’image de l’épique « Chronique du Nord » et de « Camarade-curé », qui achève de prouver que Répression est un best-of à lui seul. Sept morceaux, et pas un moment de creux.

À écouter aussi:
Colette Magny (1967), Magny 68/69 (1969), Feu et Rythme (1971), Transit (1975 ), Colette Mâgny, Je veux chaanter (1979)
Également conseillé:
Francesca Solleville, Aujourd’hui les femmes (1975)

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