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16 janvier 2022 7 16 /01 /janvier /2022 08:03

Critique de Matthieu Jouan parue sur Citizen Jazz :

Les histoires et les messages qui arrivent du passé sont souvent de délicats souvenirs qui sentent bon la nostalgie et qui rappellent que l’histoire est toujours en mouvement. Aussi, l’INA propose l’édition en vinyle (grâce au partenariat avec Diggers Factory) d’un concert enregistré et conservé dans les archives de la chanteuse, compositrice, autrice Colette Magny.
Nous sommes en 1969 et il s’en passe dans le monde. Les tremblements des sociétés de l’époque n’en finissent pas de créer des ondes de choc. En France, après les pavés de 68, c’est tout un peuple qui se range derrière la locomotive de la consommation et de la politique en costume gris. Mais une poignée d’irréductibles continue de dénoncer les inégalités et la bêtise. Colette Magny fait partie de ceux-là.
Accompagnée de sa guitare, portant loin sa voix de stentor, elle déclame ses textes sur ces mélodies déstructurées et libres. Beb Guérin arpège derrière pour donner du corps à la musique.
Ce concert assez court est complété par 4 pistes enregistrées à la radio en 1964 tandis que la photo de couverture est de 1972. Et ce patchwork de Magny est une bonne nouvelle, tant qu’on la célèbre

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21 octobre 2021 4 21 /10 /octobre /2021 09:48

L'INA fait paraître un disque vinyle "Colette Magny - Avignon 1969"

En août 1969, Colette Magny donne un récital au théâtre des Carmes à Avignon, théâtre qui accueille des spectacles en prise directe avec les événements politiques de leur temps. Ce concert, témoin des luttes des années 60-70, est surtout l'occasion de découvrir ou de redécouvrir une chanteuse puissante, ayant une place unique dans l'histoire de la chanson française.

L'enregistrement du concert à Avignon tel qu'il est conservé dans les fonds de l'INA est suivi d'un passage au « Petit Conservatoire de la chanson » de Mireille, en 1964, quelques mois après que cette émission ait révélée Colette Magny au grand public, deux poèmes de Victor Hugo mis en musique ainsi que [incontournable Melocoton.

Pour commander : cliquez ici

 

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23 octobre 2020 5 23 /10 /octobre /2020 16:54

Dans la revue Lien social n° 1292, Denis Decourchelle, ethnologue, formateur, revient sur le disque réalisé par Colette Magny avec l'IMP de Fontenoy-le-Château.

 

C'est de Colette Magny dont il est question ici, la chanteuse qui a ouvert son cœur et sa gueule grandement, tant et tant pour toutes sortes de motifs toujours généreux et dont certains se souviennent très bien et d’autres non, même si ce nom leur dit quelque chose puisqu’il est vrai qu’elle aura longtemps encore quelque chose à nous dire.

Elle a chanté l’anthologie des causes et des luttes de la seconde partie du vingtième siècle, les juifs et les palestiniens, les vietnamiens et les cubains, les paysans et les ouvriers et les auteurs aussi, Antonin Artaud, Victor Hugo, Louise Labbé, le vieux blues à quoi l’industrie du disque aurait voulu la cantonner et ses propres textes dans lesquels les mots simples montent en charge à toute vitesse, efficaces et poétiques.

À la guitare seule ou accompagnée de musiciens, elle fait souvent entendre le free-jazz et l’avant-garde, jamais complaisante et démagogue dans les arrangements, raison pour laquelle certains de ses choix politiques depuis longtemps trahis continuent tout de même d’enchanter.

Elle ne fut jamais une chanteuse populaire, trop ceci ou pas assez cela pour la majorité ou les minorités d’auditeurs et il a fallu l’énergie de sa nièce et de comparses pour éditer enfin en CD (1) l’ensemble de ses disques 33 t introuvables.

En 1978, voisine curieuse, elle rencontre les enfants et le personnel de l’IMP Fontenoy-le-Château, dans les Vosges, et c’est avec ces jeunes et quelques musiciens qu’elle participe à des séances d’expression. Jo Petit, la Directrice d’alors raconte : « une option expression s’est mise en place, pas tout à fait comme on le faisait : des micros, une vraie sono, un attrait considérable, quoi... des gosses en difficultés, pleins de problèmes affectifs, pas très imaginatifs, mais prêts à faire, ça donne des airs connus, des clichés, des « je fais comme mon voisin », au début surtout, quand il n’y a pas de stimulation, quand Colette ne chante pas... et puis tout est allé vite : Pierette et Colette enregistrent, l’Institut Médico Pédagogique éclate en sons et en cris, on écoute les bandes, et si on faisait un disque. Les gosses sont indifférents au projet: ils s’expriment, ils sont heureux. Le disque, c’est un désir d’adulte et c’est difficile à comprendre pour un enfant, c’est magique". Colette Magny décrit aussi cet état d’esprit: « non interventionniste au maximum, j’ai peu suggéré, beaucoup écouté et pleinement enregistré ce que les enfants ont bien voulu exprimer. Pour le disque, j’ai choisi et imbriqué, parmi de nombreux enregistrements, les éléments sonores qui m’ont semblé le mieux traduire ce que j’ai cru comprendre de ces enfants. Je les aime. » (3). Le disque est publié en 1979 par l’éditeur Le Chant du Monde avec une double jaquette comportant des textes et des dessins d’enfants. Il est composé de vingt-quatre pièces, dont l’énumération suffit déjà à nous préparer au départ. Y’a trop de malheurs à la Télé, Zoo story, Psycho-médico-tranquilo-sécurito, Un canal de l’Est, Gouzou, Via Saint-Dié, ça me fait du bien, Caoutchoucs – maracas, Pipi-caca Story, C’est ma mère, La tristesse de Christelle, Histoire d’Orage, Sifflet à coulisses, Sandy, Guimbarde-épinette, Frikasia, B. a, BA, Ah les sales gosses, C’est ça qu’on dans le coco, Marie-Thérèse Leclerc, Faudrait pas faire le cirque, y a une grand-mère en bas, L’amour, l’amour, Si je dis, Abandon. La richesse des séquences, leur puissance poétique doivent peut-être leur énergie au caractère authentique des paroles et des chants qui peuvent aussi bien passer par la reprise d’une chansonnette à la mode, mais si délicatement personnalisée, que par une rengaine pipi-caca, qui devient presque un chant pygmée où les sonorités se tuilent. Des moments de jubilations collectives, ou tout au contraire de déploration, des textes poèmes sur la condition d’enfant anormal, des chansons célébrant en rythme le train de retour vers le papa, des inventions solitaires, des usages nouveaux et sensibles des instruments de musique découverts, des microclimats rares, toute une météorologie de la perception qui rince nos vieilles toitures. L’écoute et le passage dans ces mondes sont une expérience pour l’auditeur qui finit rapidement par oublier les représentations liées au handicap des protagonistes et bien d’autres codes culturels. C’est aussi la force de ce disque qui fait qu’on ne saurait donc ramener toutes ces propositions à de la « clinique », à du pathologique, on est bien plutôt entre la musique contemporaine et l’Art Brut remarqué par les surréalistes et Dubuffet, emporté dans un véhicule à carburant psychédélique. Et c’est peu de dire qu’il fallut du courage à Colette Magny pour susciter et travailler cette matière-là, pour trouver un éditeur important assez généreux pour en faire un disque qui, quarante plus tard, peut également nous faire honte, à l’heure de la ritaline et des séquences d’habituations-réflexes, à quoi le politiquement correct rajoutera sa censure moraliste. Les témoins toujours vivants de cette époque attestent que cette rencontre fut très importante pour Colette Magny, qu’une résonnance personnelle et très intime entre elle et ces enfants s’était passée. Les droits d’auteur qu’elle a perçus sur les ventes de ce disque ont été versés à l’IMP. Nul doute que les acteurs du travail social trouveront dans cet opus d’il y a quarante ans de quoi faire un brin de toilette et se dégourdir les idées, comme celle, par exemple, qui consiste à penser que des personnes singulières et plus ou moins dépendantes peuvent inventer des formes de sensibilité qui bénéficient à tous, pour peu qu’on les aide à les concrétiser. Et comme disait à l’époque une certaine Christiane Vouriot « mais si tu veux j’aimerais te chanter ma chanson à moi, seulement c’est pas facile, Ça, on ne me l’a jamais apprise à la chanter, mais toi si tu veux l’entendre, je te la dirai, seulement, tu comprends, il faut que tu m’écoutes bien, parce que je vais chanter, personne ne l’a encore entendue, on n’a pas voulu l’écouter, sinon je serais pas là, à dire n’importe quoi, tu comprends ? mais si toi, tu veux l’entendre, je te la chanterai. » (4)

(1) Colette Magny, Anthologie 1958-1997, (2018), Sony Music (2) Texte dans la jaquette du 33 t, Colette Magny « je veux chaanter » Le Chant du Monde LDX 74669 (3) idem (4) Texte imprimé dans la jaquette, reprise en chanson par Colette Magny dans le disque en plage 8 « si je dis »

 

Pour consulter l'article complet, cliquez ici

 

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9 août 2020 7 09 /08 /août /2020 08:46

Forces Parallèles publie sur son site un témoignage sur Colette Magny :

Madame Magny n’hésita pas à répondre à une invitation des Bayous Marauders et à se produire avec nous sur quelques titres au tout début des eighties. En dehors d’un talent de parolière, Colette avait le don, une sorte de charisme, pour ameuter le chaland et attirer le quidam. Je me rappelle cette soirée quarante ans après, d’autant plus qu’il nous avait fallu répéter deux de ses chansons, titres qui sortaient de notre registre habituel. Toujours est-il que Colette Magny s’était pointée dans ce bar situé à un jet de pierre de son domicile afin de donner tout simplement et généreusement un coup de main à un groupe de jeunes débutants.

Colette Magny est venue tardivement à la chanson. Maitrisant parfaitement l’anglais, elle a connu son premier et unique tube en 1963 avec "Melocoton". Honteusement oubliée des médias, Colette contrastait certainement beaucoup trop avec les guimauves de l’époque. Au milieu des sixties, elle allait s’orienter vers la chanson dite contestataire. S’extirpant des carcans de la variétoche et du répertoire Yéyé, Colette allait peu à peu s’éloigner de la chanson traditionnelle pour s’orienter vers des schémas plus expérimentaux et des textes d’auteurs souvent porteurs d’une conscience politique. Capable de naviguer entre Jazz, Free, Blues, Folk et Protest Song, Colette Magny s’est éteinte durant l’été 1997, l’annonce de son décès n’ayant pas suscité plus d’un ¼ de page dans les quotidiens de l’époque.

La pochette enfumée provient d’une photo de Jean-Marie Perier, ancien assistant de Daniel Filipacchi et rejeton non reconnu d’Henri Salvador. Sur la pochette dorsale de l’E.P, on peut lire le slogan de la Columbia : "Avec Colette Magny, la France a enfin une vraie chanteuse de Blues". Aujourd’hui, on peut être certain que Colette a du se tordre de rire en lisant de telles conneries, d’autant plus qu’il faudra près de deux ans pour que CBS se décide à publier un album complet contenant "Melocoton".

Colette Magny bénéficie ici d’un accompagnement haut de gamme constitué par quelques-uns des meilleurs instrumentistes de Jazz du moment : le bassiste René Duchossoir (Stephan Grappelli), l’organiste George Arvanitas (ex-Dexter Gordon, Don Byas, Ben Webster), le batteur Christian Garros (ex-Django Reinhardt, Benny Carter), les contrebassistes Pierre Michelot (ex-Miles Davis, Chet Baker) et Michel Gaudry (ex- Barbara, Duke Ellington). Cette troupe de virtuoses du Jazz est dirigée de main de maitre par l’américain Mickey Baker, l’un des plus gros sessionmen. Baker a secondé Ray Charles, Bill Doggett, Lavern Baker, connu la gloire avec le duo Mickey & Sylvia, c’est lui qui tenait le manche sur "Fever" de Little Willie John. Réfugié en France au début des sixties, on le retrouve derrière Chantal GOYA et Sylvie Vartan, il faut bien vivre comme disait un certain journaliste sportif.

Preuve de l’atermoiement de la CBS, ce sont "Basin Street Blues", un Blues Rag de Spencer Williams popularisé par Louis Armstrong à la fin des années vingt, et "Co-Opération", une singulière composition annonciatrice de futures créations soixante huit hardes qui inaugurent la face A. "Basin Street Blues" a fait la joie de nombreux orchestres de Jazz avant de tomber dans l’antre des chanteuses de Jazz Vocal. Helen Shapiro, Patti Pages, Peggy LEE et Ray Charles en livreront de bonnes interprétations. Si le nappage d’orgue évoque Alan Price, la voix rauque à l’excellente diction n’a rien à envier aux meilleures versions d’Amérique. Bien au contraire. Sur Co-Opération", elle entame sa chanson en citant Sartres, Suarez, Karleil et Alain et pose à travers un accompagnement acoustique un regard sans concession sur notre société, nos dirigeants, et déjà bien consciente de nos problèmes environnementaux.
"Nobody Knows When You're Down And Out", une compo de Jimmie Cox, un représentant du Vaudeville mort en 1925, a connu la popularité par le biais de Bessie Smith. Depuis, la chanson avoisine les 200 covers dans des registres allant du Jazz au Blues, en passant par la Soul jusqu’à la Pop. Si le morceau a subi au fil des ans quelques changements de paroles au gré des versions, il est toujours à la page comme en témoigne la version de la chanteuse Leela James datant de 2009. Souvent enrichie d’enrobages cuivrés, la présente version marche sur les traces d’Odetta, Nina Simone, voire celle de Clapton dans son album Unplugged, soit une orchestration plus roots, plus terre-à-terre qui sied particulièrement bien au morceau. A noter que Nino Ferrer adaptera la chanson en français sous le titre "Le Millionnaire".
Terminons ce panorama avec "Melocoton", une comptine de 100 secondes qui a eu l’honneur des charts et dans laquelle la chanteuse évoque sa famille via le portrait de deux neveux : "Melocoton et Boule d’Or – Deux gosses dans un jardin" … sans oublier cet improbable refrain "Viens donne-moi la main". Au gré des strophes, on a l’impression que Brassens ou Ferré ont sorti leurs plumes. Repris par le poète chanteur Allain Leprest et par l’excellente Catherine Ribeiro, artiste libertaire, "Melocoton" connaitra une seconde jeunesse via la reprise d’Axelle Red, mais malgré toute la bonne volonté de la Belge et la qualité de l’accompagnement, on reste scotché par la version d’origine et aux intonations de Colette Magny.
Colette Magny refusera de se laisser enfermer dans ce tube. Au regard de certains textes, il n’est guère étonnant que CBS ait eu la frousse de garder une collaboratrice chantant Sartres, Tchekhov, Hugo, Aragon, Cuba et les militants dans son catalogue. Colette Magny allait rebondir sur le label Chant du Monde, une maison de disque correspondant mieux à ses idées. 

 

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4 novembre 2018 7 04 /11 /novembre /2018 11:55

Le rappeur Rocé (qui avait préfacé la ré-édition du livre Colette Magny citoyenne-blues) a réuni des voix de luttes 1969-1988 sur un disque "Par les damné.es de la terre" qui vient de sortir sur le label Hors Cadres. On y retrouve 24 titres d'artistes de la langue française "qui véhiculent la poésie de l'urgence, la poésie à fleur de peau".

"Nouvelle-Calédonie, Québec, Haïti, Martinique, Algérie, Gabon, Guyane, France métropolitaine... Par les damné.e.s de la terre - Des Voix de Luttes 1969-1988 unit les luttes de l'immensité du monde francophone. Dans les années 1970, le chant de Colette Magny colle aux luttes ouvrières dans les usines, comme celui d'Alfred Panou moque les clichés racistes accolés aux Africains" souligne France Info.

Rocé travaille à ce projet depuis plusieurs années. Comme il en témoigne dans Africultures : "Ça fait longtemps que ce projet mûri dans ma tête. Aurélien, un ami disquaire aux puces de Clignancourt (Paris 18e) m’a fait écouter un morceau sur un 45 tours, début 2000, du béninois Alfred Panou. Un morceau qu’il a fait avec l’Art Ensemble of Chicago, célèbre groupe de free jazz contemporain américain. En l’écoutant, je me suis dit : « c’est du rap ! » A cette époque, le slam – le texte clamé – était alors à la mode. Dans la même dynamique je découvre Colette Magny, avec un morceau « Répression » enregistré avec des musiciens de free jazz. Colette Magny, française, était quelqu’un de très engagée, qui jouait dans les usines en grève, qui avait des textes sur les luttes de décolonisations et sur celles du monde ouvrier".

Le disque est accompagné d'un livret de 40 pages qui permet de mieux resituer le contexte des chansons. "Les rapprochements que fournissent Amzat Boukari-Yabara et Naïma Yahi permettent de reconstituer une scène underground et une dynamique générale des tiers-mondistes, non-aligné·es, des communistes… C’était intéressant de travailler avec des historien·nes, car il s’agit de toute une histoire que l’on devrait connaître et qu’on ne connaît pas. C’est l’histoire des aîné·es, c’est la raison pour laquelle nous sommes là, nous, issu·es des diasporas ou des luttes ouvrières" précise Rocé dans la revue Jef Tak.

Ce disque constitue "une bande-son de la contestation, un trésor artistique" pour L'Humanité. Dans lequel on retrouve naturellement une chanson de Colette Magny (La Pieuvre). Même si pour Erwan Perron dans Télérama estime que "quelques rares morceaux ont vieilli et ne sont pas d’une écoute facile, comme La Pieuvre (1969), par l’incontournable blues-woman communiste Colette Magny". Dans le livret, Amzat Boukari-Yabara et Naïma Yahi relèvent, au sujet de Colette Magny, dans le livret que "celle dont la silhouette tonitruante et les poussées de "colère vocale" marquaient chaque fête de l'Huma nous laisse en héritage l'empreinte des combats portés en faveur du monde ouvrier dans une France des Trente Glorieuses qui érigea en dogme le taylorisme de masse et l'avènement de la société de consommation".

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12 octobre 2018 5 12 /10 /octobre /2018 07:31

Article de François Branchon paru dans Sefronia :

"Ne vous étonnez pas qu'à  présent, l'on crie dans la nuit, sans raison, et pour l'Éternité !"
(Colette Magny d'après "Heure grave").

On l'ignore, mais une des plus grandes chanteuses de blues était française, vivait près de Toulouse, à Villefranche-de-Rouergue, entre jardin et piano. Chanteuse éprise de culture américaine, elle obtint un petit succès en 1965 avec "Melocoton", chantée au Petit Conservatoire de Mireille, une ritournelle triste qui entrait dans la tête pour ne plus en sortir. Un succès qui l'emmena à L'Olympia (en pleine hystérie et programmes yéyé) et au hit-parade de Salut les Copains. A ce moment, CBS aurait bien voulu suivre ce filon de Fitzgerald ou Bessie Smith à la française, mais la Magny n'avait aucune envie de ce monde-là.

Refusant le fric du show business, elle en claqua toutes les portes, toute entière à l'engagement politique, et à la manière d'un Ferré (le père), Colette sera l'encore plus intransigeante mère, qui soutiendra toutes les causes, ouvrira sa gueule quand il le faudra, fera les barricades en 68, chantera pour Guevara, le Chili en 73, Cuba, dénoncera les conditions de travail des immigrés (déjà !), hurlera les textes des Black Panthers devant les piquets de grèves... Elle se fera évidemment virer par CBS et héberger par Le Chant du Monde, le label proche du PC. Bien entendu interdite de radio et de télé dans cette bonne vieille France de droite (on raconte que les directeurs de Radio France rayaient ses disques pour être sûrs qu'ils ne passent pas), elle refusera les Olympia et autres salles classiques pour porter sa parole et sa musique dans les Fêtes de l'Huma, du PSU ou devant les usines...

Pauvre, très malade (sa maladie l'avait énormément alourdie et l'empêchait de marcher) et totalement ignorée, Colette Magny en a fini en 1997 avec l'infirmerie St James, et ce jour-là, ça n'a sans surprise pas fait une ligne dans le journal de Claire Chazal, mais pire, ailleurs non plus.

Réécouter la Magny aujourd'hui, c'est garder l'espoir, trouver la force de continuer, de rentrer dans le lard, de se révolter, d'être intransigeant. Éternelle et toujours précieuse insoumise.

L'intégrale Colette Magny (qui parait - ironie de l'Histoire - chez Columbia, héritière de CBS) rassemble en dix Cd ses vingt-quatre albums (de 1963 à 1990), augmenté d'un recueil d'inédits et de reprises (période 1958-1997) où figure l'étonnant "Rap'toi de là que je m'y mette" (plus de 17 minutes d'exécutions - les centrales nucléaires, le Salvador, les armes, les media...), des versions de "Love me tender", "Saint James Infirmary", "900 miles"... ainsi que cinq titres de l'orchestre des débuts jazz de son cousin Gilles Thibaut, avant qu'il ne devienne le parolier machine à sous de Hallyday ("Que je t'aime") ou Claude François ("Comme d'habitude")...

Pour une vue fouillée de son travail musical et son attrait de l'expérimentation, (re)lire la chronique de "Feu et rythme" par Hanson.

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3 septembre 2018 1 03 /09 /septembre /2018 16:40

Radio Breizh consacre une émission "Interlude musical" à Colette Magny.

Une voix magnifique, celle du blues, Colette Magny est une figure de la contestation politique des années 60-70, convaincue et convaincante, elle a mis sa voix et son art au service de la lutte contre les inégalités.

Cliquez ici pour écouter l'émission

 

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13 août 2018 1 13 /08 /août /2018 15:15

Sur France Inter, Rebecca Manzoni dans sa rubrique "Sous les couplets, la plage", consacre une séquence à la mélodie des barricades dans laquelle elle précise :

"Il y a un disque OVNI. Un truc incroyable, fait de collages entre chansons et reportages tournés au cœur de l’action par Chris Marker et William Klein. Cet album s’intitule Magny 68. Il est signé d’une femme qui s’appelait Colette Magny. Dans un morceau intitulé "Nous sommes le pouvoir", elle dit que chanter, c’est dérisoire et, à la fin du morceau, elle cale une conversation entre une étudiante de la faculté de Censier et une dame, qui est au téléphone et qui lui demande des nouvelles de son fils. Le résultat est à la fois prodigieux et désopilant".

 

 

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4 juillet 2018 3 04 /07 /juillet /2018 13:51

Article paru dans Hexagone n°8 dans lequel David Desreumaux s'entretient avec Périne Magny : 

Disparue dans une relative indifférence en 1997, Colette Magny a laissé - avant de prendre congé - un important répertoire furieusement engagé, diablement poétique et novateur. A l'occasion du cinquantenaire de Mai 68, paraît une anthologie de cette artiste sans concession et précurseur dans bien des domaines. Née de la volonté et du travail de la famille de Colette, cette "presque intégrale" restitue chronologiquement la discographie de l'artiste, et ses atours originaux. Indispensable. 

Hexagone : D'où vient l'idée de sortir une anthologie des chansons de Colette Magny ?

Périne Magny : C'est un travail familial. À l'automne 2016, mon plus jeune frère Grégoire (le Boule d'or de Melocoton) lance l'idée de faire quelque chose pour les vingt ans de la mort de Colette. Nous nous rendons compte qu'il y a une exploitation un peu erratique de son œuvre, de certaines parties. et nous nous mettons d'accord tout de suite en famille. En famille, ça veut dire : Grégoire. Benoît (Melocoton), et nous convions le mari de ma cousine, Bruno, musicien -il a joué avec Colette, a fait partie du groupe Gwendal et a ensuite tenu une petite maison de production de disques. Il s'y connait mieux que nous. qui n'y connaissons rien. Nous tombons unanimement d'accord sur le fait de faire paraître une anthologie, de façon à respecter Colette et à ne pas avoir à exercer un choix dans son œuvre. Il était important de restituer la presque intégralité de l'oeuvre de Colette, qui est extrêmement riche et variée. Cette anthologie était le meilleur moyen de lui rendre hommage et l'occasion de la faire entendre à nouveau. Ce serait vraiment formidable si l'on pouvait - au-delà des générations qui la connaissent déjà - toucher un public plus jeune. Nous sommes un peu meurtris qu'elle soit quasiment tombée dans l'oubli. 

Hexagone:Pourquoi avoir attendu plus de vingt ans ?

Périne: Pendant les vingt ans qui se sont écoulés, nous ne nous en sommes pas occupés. Colette avait donné son oeuvre à Sidaction, et son mobilier à Emmaüs. Son testament, c'était ça : Sidaction et Ernmaüs. Nous le savions. Elle était contre l'héritage par conviction marxiste-léniniste, elle l'avait dit. Mais entre le savoir, et le vivre, il faut le temps pour l'encaisser affectivement. Nous avons démêlé les histoires de droits et, grâce à Bruno, nous sommes parvenus à mettre en contact Sidaction et Sony. Nous rencontrons Sony début janvier et réussissons à leur communiquer notre enthousiasme. Les vingt ans de la disparition de Colette étaient passés, nous nous sommes donc dit qu'il ne fallait pas rater Mai 68. Je ne veux surtout pas que l'on réduise Colette à Mai 68 - c'est bien plus vaste que ça - mais c'était une bonne opportunité. 

Hexagone:Pourquoi Sony ?

Périne: Sony Music possède les premiers titres enregistrés par Colette sous le label CBS. il était donc naturel de produire cette anthologie avec eux.

Hexagone : Pourrais-tu qualifier Colette en quelques mots ?

Périne : C'est un peu une inclassable. C'est une insoumise. Elle a plein de facettes. C'était une femme sauvage. Une indomptable, quelqu'un de profondément connecté aux forces qui nous traversent. Les tourments, etc. Je la vois comme ça. Bien sûr il y a le côté rebelle, mais ça tout le monde le sait mais je trouve que c'est réducteur. Bien sûr, il est là il est beau et admirable, mais c'est réducteur. Colette, c'est un poète aussi. Une femme colère. une femme douceur, tendresse - je trouve que le blues va très bien à sa personnalité.

Hexagone : Il n'y a pas de colère sans amour. On retrouve cela chez Colette. Le titre de la compilation qui a précédé l'anthologie, A cœur et à cris, est fort bien trouvé. il y a vraiment ces deux versants chez Colette Magny, et d'ailleurs peut-on chanter des chansons humanistes comme les siennes si elles ne sont pas portées par un sentiment d'amour ? C'est très prégnant dans son oeuvre.

Périne : C'est vrai. On le voit dans son rapport à l'écologie, par exemple. Le rapport à la nature, on sent qu'il traverse toute l'oeuvre. Le temps des oiseaux, c'est 63 ou 64 : "Comment peut-il se faire que des oiseaux chantent hiver ? (...) Qu'est-ce qui nous a pris de découper le temps ?" On a mis en exergue du livret une phrase issue d'une de ses chansons : "C'est de l'arbre dit mort que naissent les bourgeons". A la fois, ça décrit ce que nous avons fait, et ça montre sa philosophie. Ce n'était pas une écolo de surface, c'est vraiment pour elle une vraie désolation que les multinationale déboisent, comme elle le dénonce dans ses dernières chansons. Elle a aussi chanté magnifiquement pour dénoncer la marée noire du Torrey Canyon, en 67.

Hexagone : On a l'-impression qu'il y a une prise de conscience politique qui se fait progressivement. Elle débute comme secrétaire à l'OCDE, puis elle décide d'arrêter cette carrière qui lui assure la sécurité de l'emploi. Elle se lance en chanson en reprenant les standards du blues - le blues, le chant des opprimés - et contient des engagements de plus en plus affirmés, voire radicaux. Rejet du star system, etc. 

Périne, C'est directe le rejet du star system. Elle est venue au blues et au jazz par la famille de ma mère. Colette était la soeur de mon père. Ma mère était d'une famille de musiciens de jazz réputés. Le frère de ma mère et le mari de sa sœur, Gilles Thibaut, téainet musiciens de jazz, jouaient avec Claude Lutter, André Réweliotty et Bechet C'est ce qui a amené d'intéresser au jazz et au blues. Cilles Thibaut lui a fait enregistrer des morceaux de blues en 58. Ce sont ses premiers pas professionnels.

Hexagone : Le fait de changer radicalement de vie, de passer de secrétaire à l'OCDE à chanteuse politique, est-ce lié à un événement particulier ? S'est-il produit un déclic ?

Périne : Elle raconte quelque chose sur la guerre d'Algérie, à propos d'une manif qui a opposé O.A.S. et militants de l'indépendance, où elle a vu l'extrême-droite cogner sur les anti-colonialistes, sous l'oeil impassible des flics. Avant Charonne.

Hexagone : Une politisation progressive ?

Périne : Oui mais quand on voit Co-opération qui arrive très tôt dans son oeuvre, c'est déjà une préoccupation. Passer de l'individualisme, de la compétition dans l'individualisme à l'individualité dans la coopération. c'est très politique déjà. 

Hexagone : De cet engament politique, elle décide de faire une oeuvre artistique. Elle aurait pu prendre un autre chemin ? Être engagée dans un parti politique par exempte ?

Périne : Je ne crois pas que je le dirais comme ça. Elle ne pouvait pas faire autrement que chanter, dénoncer ce qui est injuste, se battre. Elle adorait chanter, elle chantait bien. Qu'est-ce qu'elle aurait été faire dans un parti politique ? Il valait mieux qu'elle chante et mette sa voix et son cœur au service des autres. Elle dit souvent que la parole doit sortir du cœur. Mettre cette énergie, cette puissance, au service de ceux qu'on n'entend pas, tes petites gens. C'est pour ça que j'étais heureuse de découvrir que Colette était entrée dans le Maitron, en 2012. Le Maitron est le dictionnaire encyclopédique des ouvriers militants syndicaux. C'est un énorme ouvrage, un hommage à tous les petits qui ont fait quelque chose pour la bonne cause. 

Hexagone : Un seul tube, en début de carrière : Melocoton. Et qui n'a rien de politique. Elle y parle plutôt d'absence et de fêlure...

Périne : Melocoton est une chanson intime. C'est la chanson de notre famille et j'imagine que son succès a dû la surprendre. Mais je pense que ça lui a donné le culot de faire ce dont elle avait envie. Dans le même temps. comme la maison de disques essayait de la mettre dans le moule des yé-yé - c'est le début de l'industrialisation de la musique - elle ne pouvait pas accepter. Déjà, elle avait vingt ans de plus que les yé-yé. Elle avait la carrure pour faire autre chose. 

Hexagone : A-t-elle boudé le succès ?

Périne : Elle l'a plutôt utilisé pour faire ce qu'elle avait envie de faire. Comme elle le voulait, en refusant tous les carcans de la forme, etc. 

Hexagone : Colette Magny apporte une véritable révolution de la matière chanson. Les collages, le concept album n'existent pas vraiment en France à cette époque-là, par exemple. C'est un vrai travail de création, un vrai travail d'artiste.

Périne : Un vrai. On comprend bien que tous ces carcans commerciaux ne favorisent pas la création Elle les a refusés et a poursuivi sa route : une route de recherche, d'expérimentation, e qui est la vraie création. Elle a fait plein de choses, elle a travaillé avec des peintres, elle a mis en musique les poètes...

Hexagone : C'est un autre aspect important de son parcours. La mise en musique de poètes, tout au long de sa carrière, et pas des moindres d'entre eux.

Périne : Et de beaux textes ! Il y a des textes magnifiques. Elle les choisissait vraiment très bien. Dans l'album Les Tuileries, il y a de très jolies chansons. Chanson en canot de Victor Hugo, J'ai suivi beaucoup de chemins, d'Antonio Machado, Rilke, Max Jacob, Tristan Tzara, Antonin Artaud, etc. Elle aime la poésie. 

Hexagone : Max Jacob, Tzara, Aragon, etc. Beaucoup de ces poètes ont été à l'origine de mouvements littéraires, ont renouvelé la forme. Un peu comme elle finalement. Il faut toujours se dépasser, toujours se réinventer ?

Périne : Elle le dit "Il ne faut pas se répéter". Bien sûr, il faut continuer à chercher d'autres formes. Je pense que son passage par le free jazz, c'est la même chose. Et puis ça fonctionne bien avec le parlé-chanté, les collages... Dans le free jazz, il y a une contestation de la forme. C'est une façon de chanter qui correspondait bien à ce qu'elle voulait être : en dehors des cadres. 

Hexagone : L'album Magny 68-69 est aussi une oeuvre de création surprenante. On y trouve des collages de documents, de Chris Marker notamment. Que faisait Colette en 68 ?

Périne : Dans le disque, elle dit qu'elle s'est planquée dans les usines. Elle avait peur des manifs et des barricades et c'est vrai qu'il y avait un aspect assez violent qui pouvait effrayer. Mais elle n'a pas attendu 68 pour faire La pieuvre, chanson qui aborde les grèves à la Rhodiaceta, date de 67. Le début de tout ça, c'est la guerre du Vietnam, tout cela apparaît dès Vietnam 67.

Hexagone : Avec ses collages de documents, de témoignages, on est presque dans de la chronique. Dans du documentaire.

Périne : Oui, ce sont vraiment des témoignages, et elle les livre tels quels. C'est un très beau travail de mon montage qui restitue très bien l'ambiance des rues, de l'occupation des facs en 68. Je crois qu'elle revendiquait quelque chose comme ça ; être une espèce de journaliste. Une chanteuse-journaliste-chroniqueuse.

Hexagone : C'est une artiste qui a connu la censure. Elle était black-Iistée ?

Périne : Il faut se souvenir de ce qu'étaient les années de Gaulle Elle était censurée et black-listée à ta télé comme à la radio. Je me souviens qu'elle en parlait. Il y a un article où elle dit qu'une amie qui travaille à l'ORTF lui raconte que ses disques sont rayés au stylet. Rayés en travers pour qu'ils ne soient pas diffusés. Et ces listes noires sont restées en vigueur même après l'arrivée de la gauche au pouvoir. Ce sont des choses qui se perpétuent d'elles-mêmes. Elle en a vraiment pâti. En même temps, elle n'aimait pas beaucoup les journalistes et elle prêtait te flanc en foutant la trouille à tout le monde. Elle était impressionnante. Sa voix, son énergie, sa corpulence. Sa conviction, son énergie, elle impressionnait beaucoup. 

Hexagone : En 74, lors d'un concert à l'université de Montpellier, elle est prise à partie et quelque peu chahutée par des "spectateurs".

Périne : Elle a été très traumatisée par cet événement. C'était mon frère Christophe qui l'accompagnait. Christophe et le directeur de la salle ont dû la protéger. Elle a été très choquée, elle a eu peur et en a été très blessée. On lui reprochait de faire payer les concerts. Après ça, elle s'est beaucoup remise en cause, ça lui a coupé l'envie d'écrire. Une panne d'écriture qui fait qu'elle s'est beaucoup interrogée sur le sens du métier de chanteuse. Quelque chose s'est un peu cassé en elle. Et il a fallu du temps pour s'en remettre. Dans l'album Transit, elle revient sur cet épisode et répond à ses détracteurs :"Chanteuse potiche à pétitions, à galas de soutien. Qu'est-ce qu'il ne faut pas faire pour essayer de se faire comprendre ? Maintenant, laissez-moi travailler". 

Hexagone : Colette Magny était novatrice. Et Je veux chanter, réalisé en 1979 avec des enfants handicapés, l'est à plus d'un titre.

Périne : Complètement expérimental et humain. Dans un entretien, on lui dit :  "C'est une expérience intéressante que vous avez faite". Elle répond : « Ce n'est pas une expérience. C'est une rencontre humaine. » Elle vivait à côté d'un institut médico-psychologique. Elle a rencontré la psychologue et a travaillé pendant près de deux ans avec les enfants, à leur faire faire de la musique, à les faire écrire, à les familiariser avec des instruments. Elle enregistrait, elle avait des centaines d'heures d'enregistrement Cet album n'est pas accessible auplus grand nombre. 

Hexagone : Elle ne se souciait guère que ce soit accessible ou pas.

Périne : Oui exactement. Je ne crois pas qu'elle se soucie peu que ce soit accessible ou non. Elle se soucie peu que ce soit commercial ou non. En réalité, ça lui plait d'être écoutée ; elle avait rêvé d'une anthologie. C'est aussi pour ça que nous l'avons faite. Elle avait envie de se faire entendre et puis aussi entendre la voix d'autres.Elle ne voulait pas se plier aux, mais ça lui importait.

Hexagone : C'était un souci de reconnaissance ?

Périne : C'est difficile à dire. Il y a forcément un peu de ça, de cette envie là. Mais ce n'est pas son premier moteur. Elle voulait véhiculer l'idée qu'il faut se battre contre les injustices. Elle manifestait un vrai engagement alors qu'elle n'est pas encartée, qu'elle n'est dans aucun parti. 

Hexagone : Il n'y avait aucune récupération possible avec elle. C'est une éprise de liberté ? ame éprise de liberté ?

Périne : Totalement. De liberté de pensée, de liberté d'action, de liberté de chanter.

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1 juillet 2018 7 01 /07 /juillet /2018 11:46

Dans Libération, Bruno Pfeiffer publie un article sur le biographe Jacques Vassal , "journaliste vedette des périodiques Rock and Folk, Paroles et Musique, Chorus, Politis, cela depuis le début des années soixante, et qui signe des textes marquants sur deux figures de la chanson française, versant protest-song : le Français (ex Néo-Zélandais) Graeme Allwright (il vit à Paris ), et la Parisienne Colette Magny." :

Jacques Vassal, né en 1947, s’est fait connaître comme critique musical. Son intérêt pour la chanson le rapproche de ses acteurs majeurs. Il devient naturellement auteur. Traducteur de Woody Guthrie (En Route pour la Gloire), de la biographie par excellence de Bob Dylan (signée Robert Shelton), auteur de Leonard Cohen par lui-même et de Leonard Cohen, le Livre du Désir - avec Jean-Dominique Brierre. Spécialiste incontesté du folklore anglo-saxon (le classique FOLKSONG, c’est lui), Vassal connaît également la chanson francophone. Il signe des ouvrages de références (Brassens Homme Libre, Brassens le regard de Gibraltar; Leo Ferré, la voix sans maître; Brel, vivre debout; Jacques Higelin; etc.). J’avais longuement rencontré l’expert lors de la sortie de sa traduction de l’ouvrage fondateur d’Alan Lomax (Le Pays où Naquit le Blues). La clé de ses livres tient en deux points cardinaux. Un : Vassal étudie et connaît à fond ses interlocuteurs. Deux : il se montre infatigable pédagogue.

Graeme Allwright et Vassal se connaissent depuis 1966. Graeme Allwright vit aujourd’hui près de La Bastille. Il a 91 ans. Jacques Vassal a recueilli la confidence, traqué la mémoire de l’attachant chanteur néo-zélandais, devenu français. Allwright lui a remis documents, souvenirs intimes, secrets cachés. Mouloudji et Colette Magny avaient poussé les débuts d’Allwright. Lequel très tôt s’engage. Avec Johnny (1966), sur la guerre du Vietnam (Paroles :On t’as dit que là-bas la cause était juste ... Puis c’est facile de laisser les autres penser pour soi). Á la même époque, il sensibilise le public francophone aux songwriters. Tom Paxton (Sacrée Bouteille), Pete Seeger (Jusqu’à la Ceinture), puis Who Killed Davey Moore, de Bob Dylan. Il a contribué, par ses adaptations très fidèles de Leonard Cohen, à vulgariser ce dernier auprès du public français (Suzanne, L’Étranger, Demain sera bien, etc.). Quant j’étais scout, Jusqu’à la Ceinture représentait l’incontournable des campements. La ceinture, chez les scouts, imaginez son importance. On y accroche le couteau, la gourde, la carte, la boussole, tout ce qui doit être à portée de mains. L’hymne anti-militariste de Pete Seeger, a formé nos consciences. Inversement, le chanteur a ouvert Georges Brassens aux anglophones (Graeme Allwright sings Brassens : quel bijou!). Les proches de Graeme se livrent volontiers à Vassal. Souvent de façon touchante. Christophe, son fils :« dans la période où il a été engagé pour chanter à La Contrescarpe, et où il a enregistré son premier disque, Graeme a été aidé par Colette Magny, qui l’aimait bien, et qui a beaucoup compté pour lui dans le métier de la chanson. Je me rappelle très bien la fois où Colette Magny est venue le voir à la maison. Notre mère nous avait dit : «elle est très grosse, il ne faut pas la regarder«. Et nous regardions le plafond!». Vassal me rapporte qu’en jazz, Allwright était à la page. Enfant, il écoutait beaucoup les 78 tours de jazz classique de son père. Par la suite, ses goûts l’ont porté vers Miles Davis, Thelonius Monk et John Coltrane.

De son côté, Colette Magny interprétera - et de quelle manière! - le jazz classique, et le blues. Puis elle se tournera vers le free jazz, grâce notamment au pianiste François Tusques. Jacques Vassal a eu la chance de connaître Colette Magny personnellement. Ils se sont souvent croisés depuis 1969. En 1982, paraît un dossier de 12 pages dans le mensuel Paroles et Musique, que dirige Fred Hidalgo. Colette Magny confiera ceci à Vassal : le dossier lui rend justice. Le dossier commence ainsi : «Trop peu d’amateurs de chanson, aujourd’hui et ici, se rendent compte de tout ce qu’ils doivent à Colette Magny. Pour son engagement politique, certes (pour une fois que cette expression n’est pas usurpée!); mais aussi pour le travail sur la forme et la matière même qu’est la chanson». Née en 1926, la secrétaire bilingue à l’OCDE (pendant 17 ans), décide en 1962 d’entrer dans la chanson. Après un tube (Melocoton), Colette Magny refuse d’endosser le costume de chanteuse nationale préposée au blues. Son engagement politique l’amène à prendre position dans ses chansons sur les grèves, la pollution, le Vietnam, etc. Les médias la bouderont. Un coffret de dix CD, avec livret contenant le dossier de Paroles et Musique, signé Jacques Vassal, présente l’oeuvre visionnaire. Edité pour célébrer le vingtième anniversaire de mai 68, l’objet rend hommage à l’intégrité de l’artiste. Le personnage exceptionnel nous a quitté le 12 juin 1997, à l’Hôpital de Villefranche-de-Rouergue. Léguant son oeuvre et les droits qui découlent à Sidaction. C’était il y a 21 ans.

Bruno Pfeiffer

CD

Colette Magny, Anthologie 1958-1997, Legacy/SONY Music (10 CD) - Compilation en Double CD ( A Cœur et A Cris), avec un autre texte original de Jacques Vassal, Legacy/SONY Music

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