" À dix-sept ans, je suis entrée comme employée de bureau au Chant du Monde. La directrice artistique, Yvette Loreille (ça ne s’invente pas !) m’a prise à son service, je devais écouter les enregistrements et signer les BAT (bons à tirer). C’est ainsi que j’ai découvert les musiciens russes : Prokoviev, Chostakovich et aussi Bartok que j’aime par-dessus tout. Et puis, pour la chanson, Ferré bien sûr, et Monique Morelli, Colette Magny, Francesca Solleville, Catherine Sauvage... La belle école, pour moi qui l’avais quittée si tôt !" précisait Simone Tassimot au magazine Je chante.
Extrait de "La
francophonie sans frontière - Une nouvelle cartographie de l'imaginaire au féminin", L'Harmattan - Extrait du texte de Carmen Mata Barreiro, Universidad Autonoma de Madrid : Voix des femmes dans
la chanson francophone contemporaine : expressions de différences et constructions de dialogues (p 268) :
Dans les années 60, on remarque la montée de la contestation et, autour de 1968 (entre 1967 et 197), se déroule une période que Patrice Julien (1991, 46) appelle "années militantes". Duex grands
courants traversent alors la chanson française, à savoir la tendance révolutionnaire et la tendance poético-mystico-écologique. Parmi les représentants du premier courant, il y a plusieurs femmes
dont Colette Magny, porte-parole des ouvriers et des ouvrières, dont les chansons deviennent des chansons-tracts qui dérangent. Anne Sylvestre est l'auteure d'une oeuvre qui témoigne d'une
réflexion sur le condition de la femme. Parmi ses textes, 'Une sorcière comme les autres" (qui sera chanté par Pauline Julien), "Non, tu n'as pas de nom" (sur l'avortement), "Douce maison" (sur
la lutte contre le viol), "Frangines" (sur l'amitié entre femmes).
Lu dans "Les Baby-boomers: Une génération (1945-1969)" de Jean-François Sirinelli (Ed. Fayard, 2003) :
Autant qu'au brassage des classes d'âge, la guerre du Viêtnam contribua, à la capillarité idéologique entre elles et joua ainsi un rôle décisif dans l'irrigation politique de la génération du
baby-boom. [...]
Mais cette inoculation fut peut-être encore davantage facilitée par une imprégnation horizontale, touchant non seulement le monde étudiant, mais aussi, plus largement, les milieux culturels et, à
travers eux, l'air du temps culturel. De fait, plusieurs chanteurs et chanteuses apportèrent leur soutien à ce combat conter l'intervention américaine et participèrent à des manifestations. Ainsi
un meeting "Six heures du monde pour le Viêtnam" se tient à la Mutualité le 28 novembre 1966 et bien des artistes y participent. En juin 1967, la soirée "Cent artistes pour le Viêtnam" réunit des
comédiens et des chanteurs, notamment Catherine Sauvage, Barbara et Mouloudji.
Bien plus, certains de ces artistes vont au-delà et, loin de chanter seulement à propos du Viêtnam, ils ou elles chantent sur le Viêtnam. C'est le cas, par exemple, de Colette Magny, présente à
la soirée « Cent artistes pour le Viêtnam » avec sa chanson Viêtnam 67.
Comme Catherine Ribeiro et Brigitte Fontaine, comme Léo Ferré aussi, Colette Magny était, dans les années 1960 et 1970, l'une des interprètes les plus importantes d'une chanson différente,
politique et poétique. Comme ses soeurs et frère en musique, Colette Magny avait alors rarement les faveurs de la télévision, de la radio ou de la presse nationale. Trop intègre, trop entière et
surtout trop peu attachée à jouer de cette image pour attirer caméras et micros sans que les animateurs risquent d'y perdre leur pouvoir. Sa mort, le 12 juin 1997 à Villefranche-de-Rouergue
(Aveyron) à l'âge de 70 ans, ne suscitera que quelques phrases de circonstance pour l'embaumer en « chanteuse militante ». Ce qu'était certes pleinement Colette Magny mais pas uniquement, comme
le rappelle avec beaucoup de talent et d'attention le spectacle « Les Gueules de loup sont des fleurs » de la Compagnie Lau.
Dans la petite salle de l'Espace Confluences, dans le 20e arrondissement parisien, quartier Charonne-Belleville, la voix de Tatiana Chambert sort d'abord du noir. A Saint-Nazaire, texte à entrées
multiples sur les filets des marins, la marée noire du Torrey-Canyon, les chantiers navals en grève, des femmes dans la houle du large. Magny avait, comme on dit, du coffre, une stature qui
pourrait impressionner bien des voix. Tatiana Chambert ne s'en émeut pas plus que cela. La chanteuse et comédienne aborde les compositions de Magny avec assurance. Elle a ce qu'il faut, et même
un peu plus, de justesse, de puissance pour habiter, sans redondance sur-expressive, chaque chanson dans plusieurs registres. Jazz, blues (Toune Ben Ben..., hommage à Reine, une amie, paysanne du
Rouergue), aux sources des tambours d'Afrique (J'ai suivi beaucoup de chemins), comptine minimaliste (la reprise de Melocoton est une merveille), klezmer (L'Exil), musette sans accordéon... Une
manière de montrer l'étendue des approches musicales de Colette Magny.
Avec Tatiana Chambert il y a trois musiciens. La pianiste Bettina Kee, ancienne élève de Bernard Maury, un géant trop discret du jazz en France, qui a posé ses doigts dans la musique
contemporaine, le funk, l'électro-pop... Le tout passe par un phrasé fluide, une science du détail. A la trompette, Sylvain Bardiau, plutôt présent dans des pupitres de big band jazz ou salsa,
équilibre l'effet repérable - une phrase blues, un éclat latin - et les touches d'un coloriste. Quant à la la batteuse Tatiana Mladenovitch - parfois remplacée par Fabrice Lerigab -, son contrôle
de la frappe apparaît dans son jeu aux balais, ses idées traduisent un parcours complet de la country au free jazz.
La mise en scène de Pierre Chambert permet de sortir les instrumentistes du rôle de musiciens accompagnateurs et désacralise la position centrale de Tatiana Chambert. Cela passe par des
déplacements, des frôlements entre les artistes, qui valent tous les décors. A l'évidence ces quatre jeunes gens ont trouvé des résonances dans le fait que Colette Magny ne concevait pas que
paroles et musiques ne puissent se répondre. La Compagnie Lau est bien ici au-delà de l'hommage qui viendrait figer, dans une lecture totalement actuelle, une artiste qui manque à la chanson
française.
Comme Catherine Ribeiro et Brigitte Fontaine, comme Léo Ferré aussi, Colette Magny était, dans les années 1960 et 1970, l'une des interprètes les plus importantes d'une chanson différente, politique et poétique. Comme ses sœurs et frère en musique, Colette Magny avait alors rarement les faveurs de la télévision, de la radio ou de la presse nationale. Trop intègre, trop entière et surtout trop peu attachée à jouer de cette image pour attirer caméras et micros sans que les animateurs risquent d'y perdre leur pouvoir. Sa mort, le 12 juin 1997 à Villefranche-de-Rouergue (Aveyron) à l'âge de 70 ans, ne suscitera que quelques phrases de circonstance pour l'embaumer en « chanteuse militante ». Ce qu'était certes pleinement Colette Magny mais pas uniquement, comme le rappelle avec beaucoup de talent et d'attention le spectacle « Les Gueules de loup sont des fleurs » de la Compagnie Lau.
Dans la petite salle de l'Espace Confluences, dans le 20e arrondissement parisien, quartier Charonne-Belleville, la voix de Tatiana Chambert sort d'abord du noir. A Saint-Nazaire, texte à entrées multiples sur les filets des marins, la marée noire du Torrey-Canyon, les chantiers navals en grève, des femmes dans la houle du large. Magny avait, comme on dit, du coffre, une stature qui pourrait impressionner bien des voix. Tatiana Chambert ne s'en émeut pas plus que cela. La chanteuse et comédienne aborde les compositions de Magny avec assurance. Elle a ce qu'il faut, et même un peu plus, de justesse, de puissance pour habiter, sans redondance sur-expressive, chaque chanson dans plusieurs registres. Jazz, blues (Toune Ben Ben..., hommage à Reine, une amie, paysanne du Rouergue), aux sources des tambours d'Afrique (J'ai suivi beaucoup de chemins), comptine minimaliste (la reprise de Melocoton est une merveille), klezmer (L'Exil), musette sans accordéon... Une manière de montrer l'étendue des approches musicales de Colette Magny.
Avec Tatiana Chambert il y a trois musiciens. La pianiste Bettina Kee, ancienne élève de Bernard Maury, un géant trop discret du jazz en France, qui a posé ses doigts dans la musique contemporaine, le funk, l'électro-pop... Le tout passe par un phrasé fluide, une science du détail. A la trompette, Sylvain Bardiau, plutôt présent dans des pupitres de big band jazz ou salsa, équilibre l'effet repérable - une phrase blues, un éclat latin et les touches d'un coloriste. Quant à la la batteuse Tatiana Mladenovitch - parfois remplacée par Fabrice Lerigab -, son contrôle de la frappe apparaît dans son jeu aux balais, ses idées traduisent un parcours complet de la country au free jazz.
La mise en scène de Pierre Chambert permet de sortir les instrumentistes du rôle de musiciens accompagnateurs et désacralise la position centrale de Tatiana Chambert. Cela passe par des déplacements, des frôlements entre les artistes, qui valent tous les décors. A l'évidence ces quatre jeunes gens ont trouvé des résonances dans le fait que Colette Magny ne concevait pas que paroles et musiques ne puissent se répondre. La Compagnie Lau est bien ici au-delà de l'hommage qui viendrait figer, dans une lecture totalement actuelle, une artiste qui manque à la chanson française.
"Colette Magny, pour l'un de ses spectacles, se définissait comme "une femme qui chante dans sa cuisine"; j'ai donc reconstitué sa cuisine sur scène (fenêtre, intensité de la lumière évoluant
comme celle du jour).
[...]
"L'oeil du spectateur est le même au théâtre que pour la variété. Cézanne disait qu'il ne peignait pas des fruits ou des fleurs, mais des cubes ou des sphères. De même, je n'éclaire pas des
comédiens ou des chanteurs, mais des formes. Je n'ai pas éclairé Colette Magny chantant dans un décor, j'ai suggéré celui-ci par des lumières. Il n'y a pas de différence entre la chanson et le
théâtre, mais entre un chanteur et un autre. Le premier travail d'un éclairagiste est de comprendre que Colette Magny chante dans sa cuisine".
Oh ! Comme ils ont eu tort, tous ceux et celles qui ne sont pas venu(e)s participer aux Rencontres autour de Colette Magny, le 27 avril dernier à Marseille, ou apporter leur Tribute To Colette
Magny le 29 à Verfeil-sur-Seye. Et ils ont eu bien raison, tous ceux qui sont allés "Sur les pas de Colette Magny", car il s’agissait bien d’aller sur ses pas, de participer à des rencontres,
d’apporter son tribut...
Les chansons et les textes de Didier Brassac, Jean-Marc Le Bihan, de Chansons de l’Evénement, les musiques de Jean-Paul Florens, les peintures et sculptures des ateliers d’Emmaüs, à Marseille,
ont croisé les chansons, les textes et les peintures de Colette Magny. A Verfeil-sur-Seye, où elle vivait, ses chansons et textes ont été tenus par Eric Lareine qui, à voix nue – et quelle voix !
–, accompagné à la batterie par l’autre Eric, a repris la pintade de "Fils de Bahia" ; par Sandrane qui, d’une voix chaleureuse et généreuse, a rendu "Gracias a la vida" (de Violeta Parra), nous
rappelant Colette aux côtés du peuple chilien ; par Wally qui, pour l’occasion retrouvant Freddy, nous livrait "Les multinationales déboisent" ; par Jehan qui se mettra dans la peau de Jehan
Rictus ; par Dave Goodman avec un blues pour Colette ; et bien sûr par Jean-Marc Le Bihan, Florens et Chansons de l’Evénement venus tout exprès de Marseille.
Oh ! que ceux qui ne sont pas venus ont eu tort ! Et que ceux qui sont venus ont eu raison ! Car, et à Marseille et à Verfeil-sur-Seye, François Tusques au piano a présenté un Portrait musical de
Colette Magny, accompagné au violoncelle par Hélène Bass (tous deux ayant joué à des périodes différentes avec Colette)... Enfin une musique qui, comme Colette jadis avec ses chansons, ne fait
pas l’unanimité ! Enfin une musique qui coupe en deux les salles ! Enfin une musique qui donne à penser, à parler, qui intrigue, intéresse, enthousiasme. Enfin une musique qui ne laisse pas
indifférent et qui, à l’instar de l’art contemporain, peut-être, peut parler à chacun, va au-delà de la notion du beau et interroge, interpelle, fait "bouléguer", donne une autre vision du monde
que ce que font souvent la musique et/ou la chanson.
Alors, merci à ceux qui sont venus, merci que cet événement ait pu exister Merci à Chorus de l’avoir annoncé. Et à ceux qui ne sont pas venus, dommage !
Jean Ferrat - J’écoute souvent Allain Leprest, qui est un vrai auteur, un homme, un homme de caractère, qui a son style, son monde. J’écoute Juliette, qui est un homme elle aussi [rires] ! Ces
gens-là sont complètement exclus des médias, je n’ai jamais vu Leprest à la télévision. Et il y en a plein d’autres. C’est insupportable.
Les grosses maisons de production, les gros diffuseurs, les télés qui ont aussi des filiales d’édition musicales, veulent tout. Si l’artiste, à un bout de la chaîne, signe avec le producteur, qui
signe avec le diffuseur, qui signe pour vous faire tant d’émissions, on arrive à se faire entendre. Mais si tu n’es pas dans cette chaîne, on ne t’entend pas. Il y a encore des circuits
parallèles, mais ça fait vivoter. Allez dans la rue ou dans la France profonde, demandez qui est Allain Leprest : personne ne va savoir qui c’est. Pour certains chanteurs, ça dure depuis 40 ans.
On peut aimer ou non une fille comme Anne Sylvestre, mais il faut reconnaître ses qualités d’écriture formidables. Jamais, jamais, ses chansons n’ont été programmées à la télé. C’est honteux. Je
pourrais en citer des copains, des gens qui sont morts, qui n’ont jamais eu l’accès aux médias !
Colette Magny, par exemple. C’était quelqu’un d’important pour vous ?
Jean Ferrat - Colette Magny, c’était une grande. Mais elle avait un talent qui n’était peut-être pas très populaire. Sa façon d’envisager sa carrière et ses choix de textes, c’était une démarche
difficile, pas très grand public. Elle aurait pu avoir une renommée plus importante, elle avait une grande aura, mais elle avait de grandes exigences, dans ses textes comme dans les musiques. Ce
n’était pas de la chansonnette. Elle a choisi une voie originale, à elle, un peu en dehors de la chanson française. Francesca Solleville aussi , elle en a fait des disques, des concerts, mais
jamais elle n’a été diffusée sur les radios, les télés. Cela tient, peut-être plus que Colette, à son engagement politique. Jamais on ne lui a donné la possibilité de se faire entendre et
connaître d’un grand public.
Propos recueillis par Naoufel, Joël F. Volson et Laure Favières
Pour Je Chante Magazine, Dave revient sur sa carrière et évoque notamment Colette Magny (extraits) :
À l'Écluse, vous avez côtoyé des artistes comme Francesca Solleville...
Oui, je l'ai bien connue et j'aime beaucoup cette femme. On a fait des galas ensemble pour le parti communiste. En 1982, Jacques Chancel a fait un « spécial Aragon », avec Capdevielle, Ribeiro, j'avais chanté une chanson de Ferré-Aragon et un poème d'Aragon que j'avais mis en musique en m'accompagnant à la guitare. Ça a plus au PC et j'ai fait beaucoup de galas pour eux.
[...]
Plus inattendu : vous avez joué Ubu d'Alfred Jarry au festival d'Avignon...
J'ai fait Godspell à la Porte Saint-Martin, deux saisons et demi, plus de 700 représentations, avec Daniel Auteil, alors inconnu, Armande Altaï, Grégory Ken... Un soir, parmi les spectateurs, il y avait le compositeur Antoine Duhamel. À la fin du spectacle, il a demandé à me rencontrer et m'a proposé de chanter une musique de film. Antoine Duhamel était intéressé par ma voix. Quelques mois plus tard, il m'a appelé en me disant que Georges Wilson prévoyait une version musicale d'Ubu roi d'Alfred Jarry et qu'il voudrait me rencontrer. Je suis allé dans la maison de Georges Duhamel — le père d'Antoine — avec beaucoup d'émotion, j'étais pressenti pour un petit rôle, celui de Ballotin. Moi, qui faisais du lyrique, je me suis mis à entamer un air d'opéra, de Charles Adams, Fédora, sur des paroles de Victorien Sardou. J'ai chanté cet air qui est un contre-la mais qui claironne comme un contre-ut et Wilson m'a dit : tu seras Bougrelas, ce qui devenait un rôle plus important. C'est là que nous avons fait le festival d'Avignon puis le TEP. J'étais parti dans tout autre chose que la chanson, je commençais à cachetonner pour France Culture, France Musique. Ève Griliquez me faisait faire des petites choses, j'étais tout à fait sur d'autres rails.
Et Colette Magny ?
Colette Magny était pressentie par Georges pour faire la mère Ubu. Dans la salle du théâtre Mogador, on a commencé à répéter avec Colette mais au bout de deux ou trois jours, elle a dû renoncer car elle avait déjà des problèmes pour marcher. J'adorais sa voix, une voix très jeune, très différente de son physique. J'avais été ravi de la rencontrer. C'est comme lorsque j'ai rencontré Mouloudji : pour moi, Un jour tu verras fait partie des chansons les plus riches, sur le plan mélodique, du répertoire français. À l'âge de huit ans, je chantais Le piano du pauvre de Ferré. J'ai été très marqué par la chanson des années 50.