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4 avril 2009 6 04 /04 /avril /2009 19:47

pachyderme"Colette Magny chantait les poètes. Elle faisait du cut-up dans l’actualité, dans la pensée, partout où l’attirait son désir forcené d’amour et d’humanité : « le premier homme serait né en Afrique/il y a quinze millions d’années/est-ce de terreur qu’en occident/nous sommes devenus tout blanc ?... »

J’ai été élevé à sa mamelle d’amour par cette femme hors du commun, avivé et instruit, formé et creusé, ébloui, je dois à présent rendre la malle de merveilles et offrir le témoin qui m’a été transmis.

Me voici devant un rêve dont la Maison de la Poésie seule pouvait permettre : rendre hommage à la grande Magny !

La grande Magny qui chantait le blues !... la Magny qui chantait les luttes… la Magny qui chantait l’amour.

De Colette Magny, chanteuse des années 70, il ne reste rien,   hormis un disque dans les bacs, une chanson célèbre, Mélocoton, et trois archives de télévision.

Cette chanteuse incomparable sillonnait le pays, chantait à Bobino, à l’Olympia, à la Fête de l’Huma, dans tous les galas de soutien imaginables, elle croisait la voix avec les contrebasses de Beb Guérin et Bare Philips, les orchestres de Texier, de Louis  Sclavis, le piano d’Anne Marie Fijal…

Magny faisait chanson de tout bois. Elle mettait au service des poètes son talent inouï de mélodiste et de chanteuse. Elle a chanté Rilke et Maïakovski, Aragon et Hugo, Olivier de Magny, Machado, Louise Labbé, Artaud, Lewis Caroll, Rimbaud… Trente chefs d’œuvre.

J’ai transmis le goût de cette musique juteuse et gouleyante à Odja Llorca. L’exigence de la chanson de haut vol. La puissance du chant qui s’égale au sens. Aujourd’hui, il ne s’agit plus seulement de rendre hommage, mais avant tout de faire vivre cette puissance de feu de la poésie armée de musique. Que notre temps se mesure à cette beauté et qu’il en jouisse. Alors, rien ne sera plus pareil."

Claude Guerre, metteur en scène et directeur de la Maison de la Poésie

Texte écrit à l'occasion du spectacle que Claude Guerre a créé : "Les poètes de Colette Magny - Je suis un petit pachyderme de sexe féminin. J'en ai gros sur le coeur. ras la trompe!" à Paris, du 4 avril au 3 mai 2009 à la Maison de la Poésie. Spectacle interprété par Odja llorca, chant et Dominique Massa, piano.


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Extraits d'articles à propos de ce spectacle :

Sur Evene.fr , extrait de l'article de Soline Pillet et Nadège Badina :
'Je suis un petit pachyderme de sexe féminin', chanson de l'honorée poétesse qui donne son nom au spectacle, permet de découvrir ou de redécouvrir un talent hors norme, dont il reste pour seules archives un disque et trois enregistrements télévisuels. Humaniste, amoureuse, contestataire, libertaire, Colette Magny chantait tous les thèmes sur tous les tons en empruntant à la beat generation la technique du cut up. Elle accouchait ainsi d'oeuvres protéiformes et saccadées.

Dans l'Humanité du 06/04/09 , extrait de l'article de Marie-José Sirach :
Colette Magny, la gueule ouverte
Colette Magny est morte en 1997 dans un village du Tarn-et-Garonne niché sur un piton où ne poussent que des cailloux. Elle avait quitté Paris, sa ville natale, son 19e arrondissement de Paris et ses pavés qu’elle avait battus, le poing levé, les poches trouées, pour s’installer dans une petite maison sans prétention mais ouverte sur une nature indomptable. Indomptable comme elle, la Magny, grande papesse de la chanson, chanteuse de blues à vous filer des frissons, vocaliste qui avait le scat à fleur de peau, le swing coulant à torrents dans ses veines. Chanteuse organique, chanteuse terrienne, inclassable ici-bas sinon quelque part, dans la stratosphère, dans la planète free. Free comme les mélodies, les orchestrations et les mots des poètes qu’elle mettait en musique et chantait comme nulle autre.

La télé et Les radios l’ignoraient ?

Elle était Bessie Smith, elle était Brenda Wooton, elle était toutes ces chanteuses et bien plus encore, libre comme l’air, révoltée pour l’éternité, militante politique, engagée, enragée, défendant ses idéaux à la barbe et au nez des faiseurs de chansons. Grande gueule, les censeurs les plus zélés ne réussirent jamais à lui clouer le bec. La télé ne voulait pas d’elle ? Les radios l’ignoraient ? Qu’importe, elle chantait, partout, là où ses soeurs et ses frères de combat l’attendaient. Avec, pour tout bagage, ses chansons poèmes, ses poèmes révolution qu’elle brandissait comme une oriflamme. « Je soulève toutes les pierres pour voir qui est coincé dessous », clame-t-elle dans ce morceau d’anthologie de 1 min 22 (impassable à la radio) qui ouvre l’un de ses derniers albums, Inédits 91. Elle y convoque tous les poètes qu’elle a mis en musique, Rilke, Hugo, Rimbaud, Baudelaire, Verlaine, Machado. « Artiste témoin de notre temps », elle ne se contentait pas de regarder le monde depuis la rive, elle plongeait dans le bouillonnement de la vie, dénonçant la guerre du Vietnam, le sort réservé aux Noirs américains, les injustices, toutes les guerres…


Dans Théâtrorama du 06/04/2009, extrait de l'article de Bruno Deslot :

Claude Guerre réalise un rêve, rendre hommage à la grande Magny qui chantait le blues, les luttes, l'amour…

Un engagement sans concessions…

Colette Magny (1926-1997) cède à ses aspirations après quelques années de bons et loyaux services pour un organisme international. Auteur, compositeur et interprète, le personnage à la voix grave et au physique imposant incarne rapidement la singularité du chant engagé dans le paysage musical français des années 60. " Melocoton " lui fait connaître un succès populaire retentissant en 1963 et la Magny devient vite, bien malgré elle, la chef de file d'un certain blues à la française. Mais elle dérange par son franc-parler et sa propension à dénoncer les abus et les misères en abordant ses thèmes de prédilection que sont la révolution, le tiers-monde, les mouvements ouvriers, le racisme, l'écologie. Son rapport à la poésie est dense et malgré la censure, les quolibets et les critiques dont elle a été victime, Colette Magny est toujours restée fidèle à ses engagements.

Dans Yagg du 09/09/2009 , extrait de l'article d'Hélène Hazera :
Colette Magny, chanteuse inclassable qui aimait la politique, les poètes, le jazz… et les femmes.[...] Colette Magny était une lesbienne d'avant The L Word, le queer et les lipstick lesbians. Elle imposait sur scène sa corpulence non-conforme avec beaucoup d'allure. Auprès des filles, son charme était irrésistible, et très vite, elles faisaient cercle autour d'elle. Elle s'est lancée tard dans la chanson, vers 36 ans. Quand les yéyés – elle fera la première partie de Sylvie Vartan à l'Olympia – balancent leurs reprises de succès américains, elle chante le blues des années 20, le repertoire de Bessie Smith. Une petite chanson qu'elle a écrite, Melocoton, rencontre un succès populaire. En français, c'est Les Tuileries, un texte peu connu de Hugo (une, parmi d'autres, de ses grandes réussites), Louise Labé, L'Ecclésiaste (un des plus beaux textes de la Bible). Sa voix est grave, avec un vibrato typique de la fin des années 60 et du début des années 70. Elle se politise, chante l'hymne des Black Panthers, et fait des chansons-collages avec des phrases de Ho Chi Minh, Sartre, Lénine, etc. "Lorsque l'humanité sera enfin libre nous passerons de la compétition dans l'individualisme à l'individualité dans la co-opération". Il fallait oser, comme il fallait oser crier "Djoutché" en refrain d'une autre chanson politique (le "djoutché" c'est l'idéologie indigeste du camarade Kim il-sung). Avec une certaine extrême gauche, elle a dérapé dans le soutien à des régimes indéfendables. Mais musicalement, Magny, ça a toujours été parfait, une leçon; celle qui est devenue une paria du show-biz s'entoure de la crème des musiciens de free jazz en France. [...] Vers la fin de sa vie, dans le CD Kevork par exemple, un peu désillusionnée peut-être par le gauchisme, assez marginalisée par la profession, Colette Magny avait commencé à enregistrer des textes moins politisés, certains commeSphynx de nuit abordaient ses amours, magnifiques, qui feraient l'ornement d'une anthologie des grandes chansons lesbiennes. Ces chansons d'amour "à la première personne", torrides, manquent ici [dans ce spectacle] pour compléter la belle évocation de ce fantôme révolté.


Dans Le Dauphiné libéré, extrait de l'annonce du spectacle au Pont de Claix le 20/10/09 :
"Je soulève toutes les pierres pour voir qui est coincé dessous" (Colette Magny). J'avais dix ans, j'ai vu Colette Magny au petit conservatoire de Mireille à la télévision. Je m'en souviens. Et puis, au hasard des luttes. Colette Magny chantait les poètes. La Magny chantait le blues et l'amour. Elle était Bessie Smith, Brenda Wooton et plus encore. Elle avait le scat à fleur de peau, le swing dans le sang. Chanteuse organique, terrienne, inclassable... De ces années, que reste-t-il ? Un disque dans les bacs et une chanson : Mélocoton. La chanson engagée qui faisait éclater de saines colères n'existe plus. Alors Claude Guerre a transmis à Odja Llorca le goût de cette musique juteuse, la puissance du chant et du sens.

Sur le site internet de France Inter, extrait de l'article publié le 22/04/09 :
Par sa dégaine, sa façon d’être, Colette Magny était un personnage atypique dans la chanson contemporaine. Ses colères, ses engagements et son incapacité à rentrer dans un moule aussi souple soit-il, l’ont empêchée d’avoir la carrière qu’elle aurait dû. Sa voix grave dénonçait sans relâche les injustices de tous poils et ses emportements légendaires ne s’apaisaient jamais.

 

Dans le JDD, article de Annie Chémieux , publié le 27/07/09 :

Elle demeure à jamais l'auteur, entre autres, de Melocoton, reçue en plein coeur dans les années 60. Disparue en 1997, Colette Magny, sa rage, sa révolte, sa poésie ressuscitent sur scène, le temps d'un spectacle tout en sensibilité aigue, en subtile distance, en émotion. Le travail à la chaîne, les grèves, la solidarité, la chanteuse à la voix inoubliable en avait fait la chair de ses textes, comme elle mettait la poésie -Hugo, Verlaine, Aragon - ou des compagnons d'esprit en musique. Cette chanson engagée comme il n'en existe plus fait éclater une saine colère. Odja Llorca, robe rouge révolutionnaire, se coule dans les mots et les notes, la sincérité à fleur de peau. Qu'elle chante Louise Labé, a cappella, danse, rugisse ou murmure, elle est comme une petite s?ur qui dirait les paroles de la grande Magny. L'heure, intense, passe comme un souffle.


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