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28 janvier 2018 7 28 /01 /janvier /2018 15:08

Dans son livre "L'événement 68 - Retour aux sources" (Ed. Flammarion, 2018), Emmanuelle Loyer consacre un chapitre intitulé "L'opposition à la guerre du Vietnam, 1966-1968", dans lequel elle écrit :

Étrangement, l'opposition à une guerre lointaine menée par les États-Unis (mais commencée par la France) va catalyser l'énergie et l'invention militantes et servir de vecteur de politisation pour une révolte locale. La lutte, qui aux États-Unis commence dès 1964, s'internationalise. C'est en 1966 que se forment en France les premiers comités contre la guerre et pour le soutien du Vietnam nord, fondés par le Parti communiste ou en dehors de lui, notamment par les groupes gauchistes en voie de constitution (comités Vietnam de base créés par les maoïstes) qui se font, sur ce terrain comme ailleurs, une concurrence acharnée.
À l'initiative de Madeleine Rebérioux, membre du PC, mais pas en odeur de sainteté place du Colonel-Fabien, est organisée la manifestation « Six heures pour le Vietnam », prévue le 26 mai 1966 à la Mutualité, de 18 heures à minuit.

La guerre faite au peuple vietnamien ne cesse de s'aggraver. L'occupation américaine au Sud-Vietnam fait de plus en plus appel à des moyens inhumains (tortures, massacres de prisonniers et de civils, anéantissements de villages, napalm) pour se maintenir malgré l'opposition populaire. Au nord, la reprise et l'intensification des bombardements, l'escalade conçue par le Pentagone, risquent de conduire l'humanité vers une guerre généralisée. Nous ne pouvons rester silencieux, nous sommes tous concernés par la lutte que mène un peuple pour choisir lui-même son destin. Nous souhaitons l'union de toutes les forces qui, en France et dans le monde, notamment aux États-Unis, luttent contre la guerre au Vietnam et soutiennent le combat que mène le peuple sud-vietnamien pour son indépendance sous la direction du Front national de libération.

Au-delà de l'argumentaire antiguerre, la forme est originale et cherche à renouveler les modes d'action traditionnels des intellectuels : colloques, projection de films, exposition de tableaux. « Comme dans les teach-in américains, ces six heures ont une signification symbolique : elles veulent exprimer notre sens aigu de la durée du conflit et de la continuité de l'action que nous voulons mener° », explique l'organisatrice, qui est ici pleinement historienne. Films, peintures mais aussi chansons — la renommée de Joan Baez a exporté le mouvement en Europe —avec Colette Magny, la chanteuse blues engagée qui acquiert la notoriété dans la variété française grâce à son répertoire rebelle et son allure d'insoumise. 
 

Le 26 octobre 1966, un appel à la création d'un Comité Vietnam national est diffusé. L'objectif est d'unir tous les groupes déjà existants afin de conjuguer les forces ; signé par cinq autorités morales du monde savant et intellectuel, dont Jean-Paul Sartre, l'historien Pierre Vidal-Naquet et le mathématicien Laurent Schwartz, membres du comité Audin, ce texte nous rappelle comment la lutte contre la guerre du Vietnam a réactivé des solidarités datant du combat contre la guerre d'Algérie. Par ailleurs, la multiplication des comités de soutien préfigure celle des comités d'action en mai-juin 1968. 
 

Depuis 1967, le mois de février est consacré à la lutte anti-impérialiste par les étudiants gauchistes, mais aussi par les syndicats enseignants. À Berlin, les étudiants du SDS (Sozialistischer Deutscher Studentenbund, Union socialiste allemande des étudiants) organisent une manifestation internationale contre la guerre les 17 et 18 février 1968. Des « journées anticolonialistes » sont prévues par l'UNEF et le SNESup auxquels se joint le Collectif intersyndical universitaire d'action pour la paix au Vietnam au moment où l'offensive du Têt donne une actualité dramatique à la mobilisation.

Le peuple vietnamien redouble d'héroïsme dans la lutte pour son indépendance ; l'armée américaine bombarde les villes, massacre les populations et menace d'employer des armes atomiques. Les journées anticolonialistes seront donc cette année une importante occasion de nous mobiliser pour soutenir la juste cause du peuple vietnamien. Le Syndicat national de l'enseignement supérieur et l'UNEF organisent ces journées, qui se dérouleront du 19 au 21 février 1968. Les syndicats du collectif appellent tous leurs adhérents à prendre une part active aux meetings prévus dans ce cadre, notamment à Paris, le 20 février. Le Collectif intersyndical universitaire : Syndicat national des chercheurs scientifiques (FEN), Syndicat des personnels techniques et administratifs du CNRS (CGT), Syndicat national des bibliothèques (FEN), Syndicat national de l'enseignement supérieur (FEN), Syndicat national du personnel de l'INRA (CGT), Union nationale des étudiants de France (UNEF). P.S. Le Syndicat national des chercheurs scientifiques (FEN) demande également à ses membres de se mettre comme collecteurs à la disposition du SNESup pour la collecte qui se fera dans les établissements universitaires, auprès des enseignants et des étudiants.

Par ailleurs, le 21 février, le Comité Vietnam national ainsi que l'UNEF et le SNESup appellent à une manifestation au quartier Latin, tandis qu'au même moment les comités Vietnam de base ont donné rendez-vous à leurs militants devant l'ambassade américaine. Ce même jour, le boulevard Saint-Michel est rebaptisé par les étudiants « boulevard du Vietnam héroïque ». 
 

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