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1 octobre 2017 7 01 /10 /octobre /2017 10:08

Article de Lisa Giachino, paru dans L'âge de faire n°123, intitulé "Colette Magny, voix rebelle" :

Habituée des piquets de grève et des MJC, elle a marqué les militants de son époque, mais les médias l'ont boudée et le grand public la connaît peu. Colette Magny est morte il y a vingt ans. De jeunes rappeurs ont découvert, étonnés, sa créativité avant-gardiste et son engagement. Ils rééditent sa biographie et organisent le festival « Colette magnyfique ». 


Si vous ne connaissez pas Colette Magny, cherchez sur internet l'archive de la RTS (Radio télévision suisse) qui l'a filmée dans sa maison, en 1972. Il faut la voir dans son espèce de blouse à fleurs, scander la rythmique sur sa guitare et rapper plus qu'elle ne chante « Répression ». « Je beugle », disait-elle. Ceux qui l'ont écoutée se souviennent pourtant de sa belle voix chaude de chanteuse de blues, promise au succès si ses textes politiques ne l'avait pas écartée des circuits commerciaux. Sa chanson « Melocoton », qui évoque l'enfance, l'avait propulsée au hit-parade et en première partie de Sylvie Vartan, à l'Olympia. Mais son choix de mettre en musique Victor Hugo, Aragon ou Sartre de chanter sur la révolution cubaine ou la guerre du Vietnam, n'a pas plus à sa major américaine qui a rompu son contrat. Diffusée par la maison de disques Chants du monde (1) et boudée par les médias, l'ancienne secrétaire dactylo sera très connue des milieux militants. Libre et sans chapelle, virulente et chaleureuse, elle chantait dans les Maisons des jeunes et de la culture, les usines, les mines et les facs en grève, aux fêtes de l'Huma et du PSU (Parti socialiste unifié)... Le temps passé auprès des ouvriers en lutte nourrissait son écriture. Son inventivité et sa curiosité musicales l'ont conduite à expérimenter les genres, à être directrice artistique du premier disque de free-jazz édité en France ou encore d'enregistrer, à 65 ans, un morceau de rap. « Elle a laissé une impression dingue à plein de gens » constate Pierre, qui fait du rap sous le pseudonyme MC Dro-p (2) et a cofondé l'association En garde ! Records, animée par six bénévoles. Au-delà d'offrir un label à de jeunes artistes, Engarde ! cherche à « créer des ponts entre des gens qui veulent utiliser le médium artistique pour remettre du collectif dans l'espace public », explique Pierre. Il s'agit de promouvoir l'engagement de musiciens mais aussi de plasticiens, de photographes ou encore d'un footballeur auteur de poésie, face à « la dépolitisation constante et progressive du milieu artistique, y compris du hip-hop qui portait des valeurs sociales et artistiques ». 

"ON A PRIS UNE CLAQUE" 

Pierre et ses amis rappeurs n'avaient jamais entendu parler de Colette Magny avant de lire une interview de Rocé, « l'un des premiers du mouvement hip-hop dans les années 80-90 ». Rocé y affirmait que « chaque rappeur qui se dit engagé devrait connaître le parcours de Colette Magny. On peut trouver Gainsbourg rebelle parce qu'il brûle un billet à la télé mais moi je trouve Colette Magny rebelle parce quelle reprend les textes de Black Panthers dans l'album Répression ». L'équipe d'En garde! découvre avec surprise le parcours, les textes et les arrangements de la chanteuse morte en 1997. « On a pris une claque », avoue Pierre. Les jeunes musiciens se lancent dans une quête d'enregistrements sur internet, de vinyles, et cherchent partout un exemplaire de la biographie de Colette Magny publiée à petit tirage en 1996. Las ! L'ouvrage est introuvable. Ils finissent par aller le lire, chacun à leur tour, à la Bibliothèque nationale de France où il est archivé.
Enthousiastes, ils imaginent de rééditer le livre et de rendre hommage à la chanteuse à l'occasion des 20 ans de son décès. « Mais vu comme elle était anarchiste, on avait peur de se planter en organisant un anniversaire. Alors, on a contacté l'auteure du livre, qui était l'une de ses amies proches. Ça lui a plu que des rappeurs de 25-30 ans aient envie de travailler bénévolement sur ce projet. Elle nous a donné les contacts de musiciens avec lesquels Colette avait travaillé, et ils ont tous trouvé l'idée super. »
La sortie du livre, préfacé par Rocé, aura lieu au cours d'un festival, « Colette magnyfique », du 6 au 20 octobre à Montreuil (3). Projections, débats, concerts et lectures de textes... L'objectif est de faire (re) découvrir la chanteuse, mais aussi de réfléchir sur le rôle des artistes. « Ce n'est pas juste sa vie et son oeuvre, précise Pierre. On veut mettre en discussion ce que c'est que d'être un artiste engagé. » 

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1- Fondé en 1938, Le chant du monde diffusait des musiques traditionnelles du monde, des compositeurs français et soviétiques, de la chanson sociale et politique. Liée au Parti communiste jusqu'en 1982, la maison de disque est à l'origine du label Harmonia Mundi et a été achetée en 2016 par le groupe britannique Music sales.
2 - On peut écouter quelques titres sus www.engarderecords.com
3 -Tout le programme sur colettemagnyfique.fr Citoyenne-blues, Sylvie Vadureau, En garde ! Records, oct. 2017 

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