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6 juillet 2013 6 06 /07 /juillet /2013 12:06
Décès de Bernard Vitet

Article de Francis Marmande publié dans Le Monde :

Né à Paris, le 26 mai 1934, compositeur, trompettiste et multi-instrumentiste, Bernard Vitet est mort le 3 juillet 2013, des suites d'insuffisance respiratoire.

On peut sans difficulté dresser l'inventaire de soixante ans de musiques à travers sa carrière : discographie et rencontres. Musiques ? Oui, jazz, java, chanson, musique contemporaine, recherches électro-acoustiques, inventions dadaïstes, bruitisme... Musiques comme pensée du monde. Musiques en tout sens et dans toutes les directions. Tant, à la discrétion, Vitet ajoute un sens poétique de la liberté, dans chacun de ses sons, chacun de ses silences, chacun de ses gestes.

Capable de figurer sur quelques titres de Brigitte Bardot, comme de créer un oratorio à partir du poème de Francis Ponge, La Guêpe ; autant capable de moments de théâtre (Rideau !, avec le collectif Un Drame musical instantané), que d'un autobiographique Bric-à-Brac (avec Jac Berrocal). Ce qui ne fera plus ricaner que les malchanceux de l'invention. Bernard Vitet devrait aujourd'hui servir de repère désorienté à tant de musicien(ne)s qui tentent de "sortir de la route ordinaire".

L'imiter, ce serait immédiatement faire autre chose.

Au début des années 1950, Bernard Vitet se lance dans des études de cinéma. Voie des grands doués, des désirants qui rêvent d'apprendre sans études académiques. Or, il entend Miles Davis. Adieu caméra, travellings, panoramiques, on continuera le film par d'autres routes. Il plonge dans la musique et se met à la trompette. Prenant part à toutes les révolutions de la musique improvisée en France et en Europe, il commence par les clubs (l'orchestre de Forenbach au Tabou) et les musiciens de sa génération : Jef Gilson, André Hodeir, Yvan Jullien, Jean-Louis Chautemps, François Jeanneau, Georges Arvanitas avec qui il enregistre en 1960.

COMPAGNONS D'ARMES

Son premier album s'appelait Surprise-Partie, toute une époque. Il alterne la musique contemporaine (Parmegiani, le GRM, Groupe de recherche musicale de l'ORTF), et les très lucratifs aussi bien qu'amusants studios (Gainsbourg, Claude François, Barbara, Brigitte Bardot). On le trouve vite aux côtés des novatrices, Colette Magny, Brigitte Fontaine, Françoise Achard, Tamia.

En jazz, il fait ses classes dans les bases américaines et au Club Saint-Germain – avec Johnny Griffin, Don Byas, Solal, Portal ou Barney Wilen. En 1964, coup d'éclat, il cofonde avec François Tusques le groupe Free Jazz, premier du genre en France. "Demain, telle est la question !" "Changement de siècle", "Forme du jazz à venir", tous les titres d'Ornette Coleman ont valeur de programme pour Bernard Vitet. Ses compagnons d'armes se nomment maintenant Anthony Braxton ou Sunny Murray. Il joue avec Shepp, Jac Berrocal, Jean Guérin ou Steve Lacy. Participe aux collectifs free d'Alan Silva, de Tusques ou de Von Schlippenbach.

Comme on ne saurait être que le contemporain de son époque, il aura eu la chance de partager la scène avec Lester Young ou Don Cherry, Chet Baker ou Jean-Luc Ponty, Django ou Eric Dolphy. Il travaille aussi pour le théâtre et le cinéma (notamment Les Cœurs verts d'Edouard Luntz, avec Chautemps et Henri Renaud, 1966). En 1972, il se présente à Châteauvallon avec le Michel Portal Unit (No, no But It May Be), et amorce une carrière de petit inventeur d'instruments ingénieux ou marrants qu'il abandonne aussi bien à la fin du concert : trompette à anche, cor multiphonique, contrebasse à tension variable, alto à sifflets, claviers de poêles à frire et pots de fleurs, horloges modales, il ravitaille Georges Aperghis en bidules sonores.

En 1976, il forme, avec Jean-Jacques Birgé et Francis Corgé (à eux deux, ils ont son âge), Un Drame musical instantané. Laboratoire inspiré, mixes de poésie, théâtre, radio, jazz, musique expérimentale, instruments traditionnels, lutherie électronique, il y a là un réservoir d'idées et de sons pour mille ans.

Birgé l'évoque sur son blog avec affection : "Le vin rouge, le tabac brun et les pétards l'auront tout de même conservé jusqu'à l'âge de 79 ans, un record si l'on songe à sa vie, réglée comme du papier à musique, mais quelle drôle de composition ! Elle pouvait souvent sembler avancer en dépit du bon sens. Cela ne le gênait pas. Il adorait les paradoxes, les contrepèteries et les équations expérimentales. De ce côté, il n'avait pas son pareil, excité par toute nouvelle expérience tout en cultivant une nostalgie empreinte d'une culture générale qui nous surprenait toujours. Sa présence à un repas faisait monter d'un cran le niveau intellectuel de toute la tablée. Fin latiniste, amateur de littérature, compositeur féru de Bach, Schönberg, Monk et Guillaume de Machaut, on sait l'importance que Miles Davis exerça sur ses jeunes années." Vivant, voilà, Bernard Vitet était vivant. Libre et vivant.

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commentaires

C
In my opinion his debut album “sunrise” is still the best. The second album was release after a long time. I wasn’t really impressed with that one. But I did like one or two songs from that. Thanks for sharing.
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P
Le 2 Juillet 2006 pour parler SUR LES PAS DE COLETTE MAGNY - film en cours de réalisation -, <br /> Bernard VITET évoque nombre de musiciens rencontrés au long de sa vie. <br /> Manière pour moi (en 50 minutes... découpés en 3 parties) de participer à l'hommage <br /> que ses ami(e)s lui rendront le lundi 16 Septembre 2013 à LA JAVA... <br /> La musique du générique de fin est extrait de FREE JAZZ - 1965 avec François TUSQUES... -.<br /> <br /> 20060702 B Vitet pour le 20130916(1) 19'18&quot;<br /> http://dai.ly/x14m08g <br /> <br /> 20060702 B Vitet pour le 20130916(2) 17'02&quot;<br /> http://dai.ly/x14m3og<br /> <br /> 20060702 B Vitet pour le 20130916(3) 14'02&quot;<br /> http://dai.ly/x14m5od<br /> <br /> Pierre PROUVEZE
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