Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
6 février 2018 2 06 /02 /février /2018 11:23

Sur son site Nos enchanteurs, Michel Kemper consacre un article à la sortie du triple CD "Colette Magny - De Melocoton à Kevork", sous le titre "Colette Magny : on n'a pas tous les jours vingt ans" :


 

Bien sûr, il y eut le cercueil de Johnny Hallyday et la dépouille de France Gall. Bien sûr, il y eut ce trop copieux anniversaire de la mort de Barbara, avec son overdose de disques et de livres, d’émissions, de concerts de reprises… Les médias ne savent plus qu’en faire trop, tout le temps, tant que leur zèle suspect salope presque la mémoire de ceux qu’ils croient ainsi honorer.

Au moins, Colette Magny fut préservée de ces dégoulinants hommages. Colette qui ? C’est bien simple, la date anniversaire des vingt ans de sa disparition est passé inaperçue. C’est un rapt de mémoire, un rapt sans rançon. Sans son. Ce fut en juin dernier, le 12 s’il nous faut être précis, dans un grand silence. L’emmerdeuse qu’elle fut le méritait sans doute par ce show-biz qu’elle conspuait.

Qui se rappelle que Magny, au sortir d’un triomphe à La Contrescarpe puis d’un passage remarqué au Petit conservatoire de la Chanson se hissa au hit-parade de Salut les copains puis fit l’Olympia au même programme que Sylvie Vartan. Magny y vole le show, et la vedette à la jeune chanteuse, remportant là un triomphe inattendu. Mais y’a comme erreur sur l’étiquette… Car son premier disque ne laisse place à aucune ambiguïté : si l’elliptique Mélocoton nous parle d’enfance, deux reprises de Bessie Smith signent le blues de Magny, et le quatrième titre ce qui sera la dominante de l’œuvre de cette dame : la politique. C’est Co-opération : « Lorsque l’humanité sera enfin sage / Nous passerons de la compétition dans l’individualisme / A l’individualité dans la co-opération. » Le ton est donné : jamais plus il ne variera. Son chemin était tout tracé dans le métier où elle serait la chanteuse Bleu blanc blues. Elle qui venait déjà de fuir le trajet trop balisé d’une carrière de fonctionnaire n’allait pas repiquer au truc et docilement (!) faire là où on le lui demandait. Qui matera Magny n’était pas, n’était plus né. Quitte à avoir un micro, autant gueuler et c’est ce qu’elle fit. Elle le paya au prix fort, mise en quarantaine et pour toujours des sunlights.

De Melocoton à Kevork, d’un point à un autre, de son premier album, en 1965, à son ultime, en 1989, même s’il parut ensuite, en 1991, un album d’inédits. Kevork (saga de la pintade, volatile venu d’Afrique, volaille d’élevage qui peut, en s’échappant, redevenir sauvage) pour lequel Magny, sans un sou, fit appel, bien avant que naisse le financement participatif, à la souscription publique, alors relayée par l’hebdomadaire Télérama. La composition de ce triple album se veut rendre compte des diverses formes d’écriture pratiquées par Colette Magny, de la forme classique (La terre acquise, Quand j’étais gamine…) à celle affranchie des contraintes chansonnières (Salem, Chronique du Nord…) ; la prochaine parution abordera, elle, ses mises en musique de textes (Rimbaud, Artaud, Billie Holiday, Louise Labé…) dont elle n’est pas l’auteure.

Tout Magny est là, longitude et magnytude d’une impétueuse chanson et d’irréductibles combats au service, toujours, des minorités, de plus petits que nous. Une chanteuse d’art et de colères. Avec des formes d’écriture (de rimes conventionnelles à des chansons-collages) et de musiques (le blues, le jazz, le free-jazz) qui ont su ouvrir des portes, hélas bien peu fréquentées par d’autres.

Bernard Ascal et les éditions EPM font ici ce que le métier a oublié : le plus simple, le plus rudimentaire mais nécessaire hommage à la Magny. Vingt ans après, il est toujours possible de la découvrir, de s’enticher de sa liberté.

Partager cet article
Repost0

commentaires